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balancemens qui, tout comme les cahots d’une voiture mal suspendue, entraîneront des pertes de vitesse et rendront la machine inhabitable. Quelques-uns faisaient observer que les multiplans, en raison de la facilité avec laquelle leur construction peut-être ramenée à celle d’une « forme de pont, » par des liaisons bien établies et peu nombreuses, jouissent d’une supériorité incontestable au point de vue de la légèreté et de la solidité. D’autres s’attachaient à démontrer que la stabilité d’une machine volante du type multiplan croît suivant la racine carrée du nombre de ses plans : par exemple, à surface égale, un tétraplan est deux fois plus stable qu’un monoplan. D’autres encore, après avoir démontré que, pour qu’un monoplan possède la même stabilité qu’un tétraplan, il faut que son centre de gravité soit placé deux fois plus bas par rapport au centre de poussée, — les lecteurs sont priés de se rapporter à l’article déjà cité, — hantés par la terreur des mouvemens de balançoire dont nous venons de parler, en déduisaient l’infériorité relative et définitive du système. Mais tout cela n’a guère d’importance : des balancements, ni Blériot ni Latham n’en ont jamais eu cure. Il est vrai que la présence de la queue dont ils ont eu soin de pourvoir leurs instrumens les déchargeait, pour une bonne part, de cette préoccupation.

Toutefois, une remarque d’O. Chanute, que les remous du vent, dans un monoplan, agissent, sur la masse concentrée autour du centre de gravité, par un bras de levier qui, toutes choses égales d’ailleurs, est plus grand que pour un multiplan, nous paraît un argument sans réplique. Plus on le médite, plus il devient formidable, surtout avec les vitesses imprimées actuellement aux aéroplanes. Que L. Blériot s’est montré sage et avisé, en ne faisant point de théorie ! S’il eût creusé cet argument, il en serait encore à tenter le passage de la Marne ! Cela veut-il dire, cependant, que l’argument d’O. Chanute n’ait pas la force que nous lui prêtons ? Non, la traversée de Calais à Douvres ayant eu lieu par beau temps. Mais, tout de même, cet argument n’a qu’une valeur relative : il ne fait que prouver la supériorité du multiplan sur le monoplan, il ne condamne pas ce dernier. N’existe-t-il pas, d’ailleurs, des monoplans, les mouettes qui se conduisent fort bien par le gros temps ? Ces oiseaux qui n’ont jamais lu Chanute, disposent, pour voler, leurs ailes en V très obtus, et ils volent.