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modèle actuel. Après ces deux incidens, notre inventeur, on le comprend, se préoccupe surtout d’amortir les chutes : il augmente la voilure et en change la disposition. A l’arrière, un simple empennage ; à l’avant, deux grandes ailes s’étalant sur 25 mètres et munies d’ailerons : l’oiseau se dessine ; il pèse 500 kilogrammes et porte un moteur de 40 HP. Avec le Blériot X, l’aviateur effectue, le 31 octobre 1908, le voyage de Toury à Artenay et retour. Un instant, raconte l’Illustration, ému par les prouesses des Wright, il revient au biplan. Mais il retourne bientôt à son type favori et entîn apparaît le Blériot XI, le vingt et unième appareil de la série de ses essais, type légèrement modifié des appareils précédens, qui vole 50 minutes à Juvisy, effectue le 13 juillet dernier, en 56 minutes, le voyage d’Etampes à Orléans (40 kilomètres) et, enfin, en 28 minutes, traverse le Pas-de-Calais.

En somme, sauf les tâtonnemens inévitables du début et une défaillance d’un instant, sans écouter les critiques, sans se laisser détourner de son chemin par les succès dignes d’éloges de ses concurrens, sans être découragé par des chutes réitérées, et par l’avortement apparent de ses projets, Blériot est arrivé au but grâce à la confiance qu’il a toujours eue dans le monoplan, c’est-à-dire dans le système de machine volante qui, sans l’imiter servilement, se rapproche le plus de l’oiseau. Sont-ce de profondes méditations, de longues recherches théoriques qui avaient mis dans sa tête que le monoplan est l’aéroplane de l’avenir ? Non : « Je fais de la pratique, dit-il, je ne fais pas de théorie. » Il a procédé simplement par intuition, comme font tous les inventeurs.

Nous parlions, il n’y a qu’un instant, des critiques qui lui furent adressées. Ceux de nos lecteurs qui ont lu l’article consacré à l’Aviation dans la Revue du 1er janvier dernier, doivent se rappeler qu’à cette époque, — si rapprochée et qui nous parait déjà si lointaine, — les techniciens, surtout les techniciens américains, tenaient en piètre estime le système monoplan. S’ils voulaient bien admettre que le monoplan a pour lui un pouvoir portant plus considérable, — car un biplan, dès que, pendant la marche, les angles d’incidence dépassent 15 degrés, se masque légèrement, — son instabilité leur paraissait un défaut capital, si l’on veut, disaient-ils, lui donner de la stabilité en abaissant suffisamment le centre de gravité, gare aux