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faite n’ait facilité un événement, très aisé, suivant moi, à prévenir, puisque tout était annoncé et que nous étions convenus, la veille, de mesures du succès desquelles vous aviez répondu. Ces mesures n’ont pas été exécutées, vous le savez... » Ce fut seulement dans la soirée, et lorsque les rebelles témoignaient quelque lassitude, que parut la force publique. On vit alors « voltiger » en divers endroits des pelotons de mousquetaires noirs. Ils n’eurent que peu d’efforts à faire pour disperser les attroupemens ; ils ne blessèrent ni n’arrêtèrent personne. La nuit tombante acheva de ramener la tranquillité dans les rues, mais sans calmer l’anxiété des bons citoyens, pleins d’appréhensions légitimes sur ce que réservait la journée du lendemain.


Les événemens qu’on vient de lire, dont les détails étaient apportés à Versailles par des courriers qui se succédaient d’heure en heure, y démontrèrent l’urgence d’une action vigoureuse. L’énergie naquit du danger. Le conseil, convoqué le soir, se réunit à l’entrée de la nuit dans la chambre du Roi. On y arrêta rapidement, et presque sans débat, des mesures de rigueur, dont la première fut la destitution du lieutenant de police Lenoir. Sa mollesse et son inertie, qui avaient stupéfié la population parisienne, indignèrent le conseil. Louis XVI lui adressa ce billet laconique, qui lui fut remis avant l’aube : « Monsieur Lenoir, comme votre façon de penser ne s’accorde point avec le parti que j’ai pris, je vous prie de m’envoyer votre démission. Je n’en aurai pas moins d’estime pour vous, et je vous obligerai à l’occasion. Sur ce... « Son successeur fut nommé sur le champ ; ce fut le sieur Albert, intendant du commerce, « homme de « beaucoup d’esprit, mais d’un caractère dur, » de longue date ami de Turgot. Le commandant du guet, nommé Lelaboureur, fut remercié de même et remplacé par le sieur La Garenne, officier aux gardes-françaises. On accusait Lelaboureur d’avoir supporté sans mot dire qu’un des manifestans eût levé le bâton sur lui, en l’accablant d’injures.

Après cette double exécution, on passa aux mesures d’ensemble. Deux armées furent créées, l’une pour l’intérieur de Paris, l’autre pour l’extérieur ; le maréchal duc de Biron reçut le commandement en chef, avec mission d’opérer en personne dans la capitale, le marquis de Poyanne étant plus spécialement