Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne puis pas m’empêcher de trouver le contraste piquant entre son milieu et ses tendances. Pour joindre son école, il faut descendre presque toute la Via dolorosa, cette longue rue étroite qui, partie du Saint-Sépulcre, aboutit au parvis du Temple. On va du Nouveau à l’Ancien Testament, de l’Evangile à la Bible. A chaque pas, on s’enfonce plus avant dans les limbes du passé. Près du couvent des Dames de Sion, voici l’Arc de l’Ecce homo, le lieu où la tradition place le tribunal de Pilate. C’est là que Jésus, déchiré par les verges et couvert de crachats, fut montré à la foule hurlante. Plus loin, il fut attaché à une colonne et flagellé par les soldats. En face, sur l’emplacement de la caserne turque, se dressait la Tour Antonia, la citadelle élevée par les Romains envahisseurs pour surveiller le Temple et ses prêtres fanatiques. Et, derrière les bâtisses impénétrables qui environnent le parvis du sanctuaire, se cache la très sainte mosquée d’Omar, et, sous ses faïences peintes et les arabesques bleues de sa coupole, repose l’antique rocher des sacrifices mosaïques, l’autel sanglant de l’ancienne loi.

Au milieu de cette rue encombrée de souvenirs et de symboles, parmi ces hauts murs qui vous dérobent le ciel et toutes les bâtisses si vieilles qui se resserrent autour de vous et qui se refoulent les unes les autres, on ne songe même pas aux siècles d’histoire qu’elles signifient, aux religions qui s’y disputent le sol : judaïsme, christianisme, islamisme ! On ne subit que l’écrasement de toutes ces pierres. On sent le poids formidable dont elles pèsent sur ce coin de terre et sur le monde entier. S’il y a un endroit qui paraisse marqué à jamais par sa destination, qui semble pour toujours hostile à tout ce qui n’est pas l’idée religieuse, c’est cet enclos farouche du Temple de Jérusalem.

Pourtant, à quelques mètres plus loin, dans un terrain vague, se dissimule la petite école moderne que je devais visiter. Ainsi perdue parmi ces ruines colossales, elle m’apparut comme un pauvre nid d’oiseau blotti dans les crevasses d’une Pyramide. Lorsque j’en franchis la porte, — encore sous l’impression de ma promenade à, travers les vestiges de ce passé toujours vivace, — je me disais que, sans doute, il y a, dans l’ordre normal, des stratifications d’idées aussi indestructibles que celles de la nature et de l’archéologie et que rien ne prévaut contre elles. Ce collège turc, avec ses prétentions de moderniser des âmes façonnées et