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pas sept heures pleines de travail par jour, car les autres, les paresseux, les en empêchent, encombrans qu’ils sont, tracassiers, envieux de ceux que les chefs remarquent, tout simplement parce qu’ils font leur devoir. Un surveillant me disait l’autre jour dans un accès de franchise bien rare, — la peur du Syndical ! — que la durée moyenne du travail effectif ne dépasse pas cinq heures.

Mais cette paresse, enfin, est-elle incorrigible et faut-il si bien renoncer à obtenir de l’ouvrier toulonnais un rendement convenable que l’on soit acculé à la nécessité de supprimer les constructions neuves dans notre grand port méditerranéen pour n’y plus entreprendre que des réparations ? Je ne le pense pas. Il faut seulement faire rentrer les ouvriers dans le devoir. Qu’on l’ose, ils y rentreront. Après tout, ce ne sont pas de mauvais gars, pour qui sait les prendre, et je les crois plus maniables que ces « Brézounecs » têtus de Brest ou de Lorient. Le « commandement » même, malgré tout, conserve encore ici quelque prestige. N’avons-nous pas constaté que notre apparition provoquait quelquefois la reprise du travail ? Celle de l’ingénieur serait encore plus efficace, sans doute : il est le chef direct ; il a le droit de faire des observations et la compétence nécessaire pour donner des conseils. Pourquoi faut-il qu’on le voie si peu ? Et que de mal son bureau fait à son chantier !... On ne peut pourtant pas lui demander de se dédoubler.

Qu’on rassure les surveillans ; qu’ils se sentent soutenus, alors qu’ils sont à peine protégés ; que l’on élimine résolument les non-valeurs et surtout les fauteurs de désordre ; que l’on étudie dans tous ses détails et avec la ferme volonté d’aboutir le problème du travail à la tâche ; que l’on perfectionne l’outillage mécanique des ateliers et des cales de construction, si besoin est[1] ; enfin que l’on rende aux autorités locales le droit de récompenser et de punir[2], et l’on verra bien que les Toulonnais en valent d’autres...

Les méthodes de construction ?... Ah ! ici, il y a beaucoup à

  1. L’imperfection de l’outillage de l’arsenal de Toulon est le grand argument du Syndicat quand il veut défendre les ouvriers contre le reproche de paresse. C’est le cas de rappeler l’adage » qu’il n’y a pas de mauvais outils, mais qu’il y a de mauvais ouvriers. » Cependant, s’il y a quelque chose à faire pour mettre l’outillage du chantier toulonnais à la hauteur de toutes les exigences, il faudrait s’y employer activement, ne fût-ce que pour enlever au personnel tout prétexte de lenteur.
  2. M. Thomson a rétabli les primes à la capacité, qui avaient été à peu près supprimées.