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Camille et à Stanislas de la mener chez Danton. Ils trouvèrent Mme Danton en larmes :

« Fréron cherchait dans les fumées du vin une résolution qui le fuyait. Il regardait Lucile, prenait la main de Brune, s’approchait de Danton, communiquait sa fièvre aux autres qui descendirent dans la rue pour respirer l’air. Quelques sans-culottes passant une chanson aux lèvres, ils eurent peur et remontèrent. Lucile faisait trembler tout le monde : « Voilà le tocsin qui va sonner, » disait-elle à tout instant, et, comme son mari était allé chercher un fusil dans la pièce voisine, elle s’enfuit dans l’alcôve et se mit à pleurer, puis, se jetant dans les bras de Camille, elle le supplia de ne pas la quitter, de rester avec elle. Fréron la regardait avec fixité et répétait en hochant la tête : « Je suis las de la vie, je ne cherche qu’à mourir. »

Le 10 août, Fréron et Desmoulins virent assassiner leur camarade de collège Suleau. Le peuple de Paris ayant pris la dictature, un Conseil municipal provisoire fut constitué, composé de Tallien, Fréron, Collot d’Herbois, Desmoulins, Fabre d’Églantine, etc. L’Assemblée tremblait devant Danton, le ministre de la Justice. A la fin du mois d’août, Fréron fut envoyé dans le département de la Moselle ainsi que Joseph Paris. Les deux commissaires empêchèrent la reddition de Thionville et s’occupèrent surtout de l’alimentation et de l’habillement des troupes.


III

Élu le 14 septembre, par 454 voix, député de la nouvelle Assemblée, Fréron siégea sur les bancs de la Montagne, « auprès de Marat, d’Hébert et de Danton. » Il vota la mort du Roi, en demandant que l’exécution eût lieu dans les vingt-quatre heures. Le 9 mars 1793, il partit en mission dans les Hautes et les Basses-Alpes. « De concert avec Barras, écrit M. Frédéric Masson, il exerça une dictature redoutable dans le Midi. » Les représentans du peuple menaient joyeuse vie à Nice lorsqu’ils apprirent, au cours d’une tournée à Hyères, que le Comité général de Toulon avait livré, le 26 août, la ville aux Anglais.

L’histoire du siège de Toulon est un des plus intéressans chapitres qu’ait écrits M. Arnaud. On y voit se révéler le génie « du seul capitaine d’artillerie qui fût en état de diriger les opérations, » le jeune Bonaparte. Le 18 décembre, Fréron fit preuve de courage en menant la colonne ‘assaut jusqu’aux abatis de la Redoute anglaise. Ensuite, il fut saisi d’une démence sanguinaire dans le châtiment qu’il infligea