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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




L’opinion publique a été vivement émue, il y a quelques jours, à la nouvelle qu’une mitrailleuse avait été volée dans une caserne, à Châlons, Les soupçons se sont immédiatement portés sur un caporal nommé Deschamps, qui avait déserté depuis quelques jours et dont la conduite était détestable. C’est du moins ce qui a été dit, et aussitôt une première observation se présente à l’esprit : pourquoi un homme qui a toujours été un mauvais soldat a-t-il été nommé caporal ? Mais passons : la question principale, en ce moment, n’est pas là. Où est-elle donc ?

Il semble que, au début, le ministère de la Guerre ait cherché à donner le change. Il a communiqué aux journaux des notes qui avaient pour objet, la mitrailleuse n’ayant pas été enlevée tout entière, de faire croire que la partie dérobée n’était pas la plus importante et même que, à elle seule, elle ne l’était pas du tout. Les étrangers entre les mains desquels elle était passée ne pourraient ni la reproduire, ni s’en servir utilement. Ces explications ont paru très faibles. Mais là encore n’est pas la question. Une mitrailleuse a disparu ; on assure que le mal n’est pas aussi grave que nous aurions pu le croire ; soit, nous en sommes heureux, mais nous n’en sommes pas plus rassurés, car notre inquiétude vient moins de la perte de la mitrailleuse que de l’inconcevable facilité avec laquelle elle a été volée. Inconcevable, en effet ! On a dit, pour atténuer les responsabilités en cause, que la mitrailleuse était sous clé au milieu d’une caserne et que, pour l’enlever, il avait fallu traverser une cour et se livrer à une gymnastique que l’imagination a de la peine à concevoir. Qui aurait pu prévoir cela ? Mais plus le voleur devait être pris, plus il est surprenant qu’il ne l’ait pas été. Il a fallu, pour oser son entreprise, qu’il connût bien, non seulement la disposition matérielle de la caserne,