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expliquait, les défendait, montrait adroitement par quels points ils se rattachaient aux intérêts, tantôt de telle puissance, tantôt de telle autre, et finalement de toutes. La Grèce a eu la bonne fortune d’avoir en sa personne un avocat éclairé, avisé, renseigné, écouté, tel enfin qu’il lui aurait été bien difficile d’en trouver un meilleur. Grâce à lui, elle a traversé des épreuves où, sans lui, elle aurait risqué de sombrer ; et si l’aimée n’a pas remporté la victoire en 1897, le Roi a du moins sauvé la Grèce des conséquences que pouvait, que devait naturellement avoir sa défaite.

Ce sont là d’inappréciables services : mais, nous l’avons déjà dit, ce ne sont pas de ceux qui parlent le plus à l’imagination d’un peuple qui, ayant un si brillant passé, rêve aussi d’un grand avenir. Le dernier épisode de sa vie politique n’a pas été ce que la Grèce avait espéré : l’affaire de Crète a été pour elle une déception. Elle s’était crue au moment de mettre la main sur la Crète, et le fruit défendu n’a pas encore pu être cueilli. Ce n’est sans doute qu’un ajournement, et, au prix de cet ajournement, le gouvernement hellénique, inspiré par le Roi, a conjuré le plus grave péril. N’importe ; l’amour-propre supporte mal de pareilles obligations ; il les nie même assez volontiers et cherche à s’en dégager. L’armée en particulier a une tendance naturelle à penser et à dire que, si elle avait été livrée depuis longtemps à elle-même, si elle avait eu plus d’influence sur les destinées du pays, si elle avait pu les préparer de longue main, les choses auraient mieux tourné. De là à rédiger et à imposer un programme qui abandonne son propre commandement et décide qu’il sera fait des économies partout ailleurs pour lui en consacrer le profit, il n’y a qu’un pas, qui a été vite franchi. L’armée garde le sentiment confus qu’elle a besoin de la monarchie ; ses manifestations le prouvent ; mais il est moins sûr qu’elle comprenne dans quelles conditions peut se perpétuer une monarchie dont l’honneur et la dignité ont besoin d’être respectés. Et c’est pour cela qu’on est inquiet. Si, en effet, le roi Georges donnait suite aux velléités d’abdication qu’il a fait connaître et qui, dit-on, se résoudront dans un sens ou dans l’autre, lorsque la Chambre sera réunie, il en résulterait non seulement un grand trouble intérieur pour la Grèce et un danger de dislocation, car il s’en faut que son unité soit faite, mais encore une diminution de sécurité pour l’Europe. On est habitué à regarder le roi Georges comme une garantie. S’il disparaissait, il est à croire, pour les motifs indiqués plus haut, que sa famille ne tarderait pas à disparaître après lui, et la question se poserait alors de savoir si la Grèce