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Marlborough, qui, a-t-il dit, touche ses revenus en dormant dans un fauteuil confortable et qui, à la pensée d’être dérangé dans cette douce occupation, menace de se jeter par les fenêtres de son château ! On voit le ton. MM. Asquith et Lloyd George ont usé d’une éloquence plus sobre, mais non moins efficace. Il ne leur a pas été difficile de citer le cas de terrains qui ont augmenté de valeur dans des proportions exorbitantes, et dont l’État même avait dû quelquefois se porter acquéreur pour des sommes très élevées, alors qu’ils continuaient de payer des impôts proportionnés à une valeur putative insignifiante. Qu’est-ce à dire ? Personne n’aurait contesté la légitimité d’une rectification de taxe dans des cas pareils ; mais, de ces cas qu’il a généralisés, M. Lloyd George a tiré des conséquences singulièrement exagérées. N’importe ; cela fait bien dans un discours, et une réunion publique n’y regarde pas de si près, elle s’abandonne à sa première impression. Des brochures de propagande, fort bien faites suivant la même méthode, ont été distribuées à profusion ; les défenseurs du budget n’ont pas ménagé leurs munitions ; ses adversaires ont riposté, et quand, de part et d’autre, on s’est un moment arrêté pour se rendre compte des effets produits, les journaux conservateurs eux-mêmes, et le Times, journal de la Cité, ont avoué que l’avantage était resté aux libéraux et au gouvernement. Les argumens de M. Lloyd George, et surtout ceux de M. Wiston Churchill, sont de ceux qui font toujours de l’effet sur les foules. Quand on dénonce avec indignation les inégalités sociales, on est toujours sûr que l’envie répondra. Il est si facile de confondre l’égalité avec l’équité. Les sentimens que les ministres anglais ont excités dans les masses populaires n’appartiennent certainement pas à l’ordre le plus relevé ; ils sont certainement dangereux à déchaîner, surtout sous la forme que M. Wiston Churchill leur a donnée ; mais ce sont des sentimens très puissans. On se demande maintenant, en présence du mouvement d’opinion qui vient de se manifester et que quelques élections partielles ont paru confirmer, ce que fera la Chambre des Lords. Continuera-t-elle de suivre le mot d’ordre qu’avait d’abord donné lord Lansdowne, ou fera-t-elle machine en arrière et cherchera-t-elle un terrain de conciliation ? Rejettera-t-elle tout le budget, ou seulement une partie du budget, ou encore le votera-t-elle tout entier ?

La question est angoissante, et il serait téméraire de dire comment elle sera résolue : il est même probable que personne encore n’en sait rien. Lord Rosebery, dans un discours qu’il vient de prononcer à Glasgow et qui était impatiemment attendu, ne s’est pas prononcé sur