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vêtue à la turque d’une longue blouse d’indienne : seule, elle a les cheveux cachés par un petit voile jaune à fleurs.

Les autres sont habillées à l’européenne… Hélas !… Leurs robes, fabriquées je ne sais où, offrent des spécimens variés de modes surannées déjà, — manches pagodes, volans en forme, empiècemens garnis de jais et de galons. C’est dommage… La blouse flottante et le léger voile fleuri siéraient à leurs corps un peu massifs, à leurs figures rondes d’Orientales… Et comme je déplore aussi l’invasion du progrès européen, quand je regarde les panneaux brodés qui couvrent les murs, ces satins d’un bleu criard, d’un rose vineux, ces motifs brodés d’après les modèles de bazars occidentaux, où rien ne rappelle la belle tradition de la broderie turque !

Pendant qu’on échange des complimens, une petite fille apporte des verres d’eau et des confitures, sur un plateau argenté. Elle aussi est habillée à la mode, mais sa robe à taille longue, à courte jupe, est en satin crème damassé. Elle a des bas à jours, des souliers de danseuse, et des broches de strass dans les cheveux. À peine avons-nous goûté les confitures, et repris la conversation, qu’une autre petite fille, en satin rose, apporte des limonades excellentes.

Il faut boire, qu’on ait soif ou pas soif, dût-on en devenir malade.

Enfin, la directrice accède à notre désir de visiter les classes, et nous montons, avec la lenteur qui convient à notre dignité, jusqu’au premier étage. Quatre classes ouvrent sur le palier. La gentille odalisque se précipite dans la sienne, et à sa vue, toutes les petites filles se lèvent, les bras croisés, les yeux baissés, immobiles, impassibles.

Dix à douze ans, brunes, pâlottes, sérieuses, elles ne sont pas affublées d’horribles tabliers noirs. Les robes en cotonnade des pauvres fraternisent avec les robes en soie brochée des filles de fonctionnaires ou de marchands. Presque toutes ont les cheveux couverts, les nattes pendantes sous un voile, ce qui est un signe de grande piété.

La maîtresse envoie l’une d’elles au tableau, et lui fait écrire un problème interminable quelle doit résoudre oralement. La petite trace, de droite à gauche, des lettres cabalistiques pour nous, des chiffres qui ressemblent à des dessins de tapis, et elle parle vite, vite, en bonne élève qui sait la leçon par cœur. On nous