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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/637

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il devait, malgré ce peu d’avantages personnels, se maintenir six années à son nouveau poste. Mais dès le mois d’octobre 1896, il s’aperçut des difficultés de sa tâche à la Cour. « Mes relations avec Sa Majesté, écrivait-il à son fils Alexandre, suivent un cours assez singulier. A quelques petits manques d’égard, je me persuade que l’Empereur m’évite avec intention et que ça ne peut continuer ainsi… » Toutefois, Hohenlohe avait, envers son souverain, manifesté le loyalisme le plus empressé. Lorsqu’on sut, par exemple, que le fameux télégramme de Guillaume II au président Kruger, après la défaite de Jameson, était un acte spontané et réfléchi, le chancelier l’avait excusé en ces termes : « Si l’Empereur avait su que Jameson avait avec lui tant de fils de respectables familles anglaises, il n’aurait pas envoyé son télégramme. Il pensait que Jameson n’avait avec lui que des flibustiers et que c’était un acte de brigandage. » Ce qui signifierait que l’acte de cet aventurier, c’est-à-dire la violation en pleine paix du territoire d’un État ami, devenait chose licite parce que la bande envahissante, au lieu de ne se composer que de pauvres diables racolés au hasard, comprenait aussi des fils de respectables familles. Mais cette attitude apologétique ne suffisait pas à un maître exigeant. « Deux questions, disait le chancelier, risquent d’ébranler ma situation dans un avenir très rapproché, ce sont : le code de procédure militaire et la loi sur le droit de réunion. » Il redoutait l’opposition des nationaux-libéraux et d’autres intrigues. Nous aurions pu en savoir davantage, mais l’éditeur des Mémoires, le prince Alexandre, nous a prévenus que les notes détaillées du chancelier sur la politique intérieure, ses luttes et ses difficultés, qui ne venaient pas tant des choses que des personnes, n’avaient pu être publiées intégralement. Quelques extraits seulement jettent un certain jour sur les impressions de Hohenlohe pendant la deuxième étape de sa carrière. Il faut donc nous en contenter.

La loi sur la marine était, elle aussi, un grave sujet de préoccupation. « On va, disait le chancelier, répétant que la marine est un caprice de l’Empereur. On ne peut toutefois cacher que c’est au peuple allemand que revient la faute ou le mérite de posséder une flotte. » Il rappelait que, du temps de la Diète fédérale, on vivait en paix et sans soucis, sans lourdes charges et sans grands impôts. Mais le peuple allemand, dévoré d’ambitions militaires, voulut jouer un rôle dans le monde. « Survint