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à la veille du 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge. Les vibrations se heurtent, se mêlent, se fondent en un bourdonnement ininterrompu qui met au-dessus de la ville, entre les maisons et nous, comme une voûte sonore.

Souvent, assis au bas du jardin, près d’une Vénus antique, j’ai regardé le jour décliner et l’ombre gagner peu à peu les gradins successifs. A mesure que le couchant se dore, les cimes des cyprès se détachent plus nettes, pareilles à d’immobiles fuseaux, à d’énormes et sveltes pinceaux figés dans un bain d’or.

J’ai voulu, aujourd’hui, voir le jardin et la ville s’endormir du haut des terrasses supérieures. Une brume impalpable, à chaque instant plus dense, comme une sorte de linceul posé par d’invisibles mains, s’étend sur les toits, les recouvre uniformément, noie tous les détails. Les monumens, les églises, les places, les quais de l’Adige restent encore distincts. Plus que l’élévation, l’obscurité simplifie. Seules les choses essentielles demeurent. Nos yeux s’emplissent d’une vision qui, celle-ci, sera définitive parce qu’elle trouve asile au plus profond de nous, parce qu’à cette heure grave qui précède la nuit, nous regardons avec toutes nos facultés, avec notre esprit, avec notre cœur.


III. — VICENCE

C’est la ville des palais : vraiment on peut la résumer ainsi ; je ne crois pas qu’une autre cité puisse se glorifier de plus beaux monumens ni de plus grands architectes. Il est, en effet, très curieux de noter que, même sans Palladio, Vicence jouerait un rôle dans l’histoire de l’architecture. Bien avant lui, s’élevèrent de superbes maisons gothiques dont quelques façades nous attestent encore la splendeur. Les trois Formenton furent des artistes réputés et Trissino, dont le nom est resté, écrivit un traité didactique auquel Palladio rendit hommage.

Il y a, à Vicence, une série d’édifices intéressans qui sont comme le prélude de l’œuvre du Maître. Celui-ci fait trop oublier ses devanciers de la première Renaissance qui, pourtant, en nous révélant le goût des Vicentins pour les belles constructions, nous expliquent sa vocation et l’éclat de sa carrière dans son propre pays. Palladio, en effet, malgré son amour des voyages