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intérêts locaux… Je crains fort qu’il la rentrée prochaine la discussion du budget de 1910 ne nous offre un nouvel exemple ; des fautes et des faiblesses auxquelles, par ses origines mêmes, la Chambre est condamnée… Souhaitons qu’elle ne soit pas troublée, dans sa tâche patriotique, par cette peur de l’électeur qui est si souvent pour un député le commencement de la folie. » On ne saurait mieux parler, ni plus sensément, ni plus énergiquement. M. Poincaré a mis le doigt sur la plaie dont nous mourrons un jour si on ne réussit pas à la guérir. Heureusement il la croit guérissable ; à ses yeux le remède existe. « J’ai là-dessus, dit-il, une conviction profonde et déjà ancienne. Je suis sûr que nous continuerons à piétiner sur place, ou, plus exactement, hélas ! à glisser tous les jours davantage, si nous ne nous décidons pas à remanier radicalement notre système électoral, à élargir le scrutin, à détruire l’iniquité changeante du régime majoritaire et à chercher loyalement dans la représentation proportionnelle une image fidèle de toutes les opinions françaises. Puissent ceux des républicains qui répugnent encore à ces solutions nécessaires, s’y rallier avant que la corruption électorale ait achevé son œuvre commençante et rendu peut-être des catastrophes inévitables ! »

Nous ne répugnons nullement à la solution que M. Poincaré qualifie de nécessaire ; nous nous demandons seulement si elle produira toutes les merveilles qu’on en attend. Mais quand elle ne guérirait qu’une partie du mal, quand elle ne ferait que l’atténuer, encore faudrait-il en faire l’expérience. Beaucoup de bons esprits s’y sont attachés, et l’adhésion formelle, solennelle, éclatante que M. Poincaré y donne sera sûrement pour eux une force de plus. On connaît la belle campagne qu’a faite M. Charles Benoist en faveur de la représentation proportionnelle. Ce n’est pas lui qui mérite le reproche d’avoir borné son horizon à l’étroit espace compris entre le Palais-Bourbon et le Luxembourg ; il a porté ses regards et son action infiniment plus loin ; sa propagande s’est étendue à la France ; entière ; il s’est adressé directement au pays, sachant bien qu’il n’obtiendrait rien de l’égoïsme parlementaire si un mouvement d’opinion ne venait en troubler la quiétude. En cela son œuvre a été vraiment originale. La réforme électorale sera-t-elle votée par la Chambre actuelle ? Non. Dans ce cas encore, dans ce cas surtout, la Chambre est condamnée « par ses origines mêmes » à maintenir la loi électorale d’où elle est sortie et d’où elle compte bien sortir de nouveau : ce phénix entend renaître de ses cendres. Alors, dira-t-on, c’est un éternel cercle vicieux : si la Chambre actuelle sort une fois de plus de la loi