Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas de péché en excitant ainsi les désirs masculins. D’ailleurs les désirs des Occidentaux ne sont pas intenses…

— ? ? ?

— S’ils l’étaient, quelle femme vertueuse s’exposerait à un tel péril ?… Chez les Turcs, qui savent aimer, les femmes doivent cacher leur visage, par prudence… Honte aux dévergondées qui relèvent leur voile et raccourcissent, par coquetterie, la pèlerine de leur tcharchaf !

Cette janséniste mahométane, aux mains orangées, raisonne avec une logique rigoureuse, déconcertante… La septuagénaire approuve : Ewet hanoum effendim ![1]… et la matrone riante, que ces discours assomment, envoie les esclaves cueillir des bouquets pour nous.

Un autre harem., un autre salon plus prétentieux, meublé d’une affreuse commode en noyer, d’un guéridon, d’une suspension à 9 fr. 95. Sur la commode, une pendule en faux bronze doré, les inévitables lampes à pétrole, un chien en peluche, un melon en métal formant confiturier…

Une jeune femme blonde, — une oie grasse, — qui rit niaisement et pousse le coude d’une amie maigriotte et brune… L’ennui mortel. Le néant… Mme P… renonce à toute conversation. La dame blonde roule devant nous, comme une boule, et nous précède jusqu’à la porte du vestibule en agitant deux bras courts, deux bras d’énorme bébé…

Un autre encore… Là, c’est une maison riche, et la hanoum est la femme d’un officier supérieur, un pacha jeune-turc et libéral.

Quelle personne singulière ! Son salon, très vaste, est meublé dans un vague style art nouveau, et l’inévitable suspension s’y balance au-dessus du guéridon inévitable… Et la maîtresse de céans révèle, par son aspect et son langage, la volonté de s’européaniser.

Elle n’est plus jeune ; elle n’a jamais été mince ; mais elle a les traces de beauté, ses joues sont fardées ; ses cheveux teints en roux ardent bouffent en auréole démesurée autour de son front et s’attachent en un chignon bas, trop bas, sur sa nuque. À chaque instant, il semble que cette masse rousse et soyeuse va crouler… Elle porte une blouse à plis et à jabot plissé, en

  1. Oui, madame.