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redire au Duc [de Richelieu], c’est qu’à l’époque des Chambres, rien n’est faisable, et que, si c’est là l’idée qu’on a, il n’y a rien à faire, et il faut renoncer à tout rapprochement. Quant à ce que je pourrai devenir, il sera temps de nous lamenter, quand le jour sera venu. Tant d’événemens, de hasards, de circonstances peuvent déranger nos projets, que c’est folie de pleurer d’avance.

« Pour vos chagrins particuliers, c’est une autre affaire. Mais, chère sœur, la vie ne vaut pas mieux que cela : être trompé dans ce qu’on aime le plus, c’est comme tout le monde[1]. Ou votre fille est entraînée par la jeunesse et elle vous reviendra ; ou elle ne reviendra pas, et vous serez dans la position où nous sommes tous. Moi, très certainement, je ne vous abandonnerai jamais : c’est une faible consolation, mais c’en est une. Je sens bien que mon dilemme ne vous convaincra pas, et qu’un dilemme n’empêche pas le cœur de saigner. Pourtant, il y a un repos dans la nécessité, et c’est ce qui fait que tant de victimes sont mortes courageusement dans la Révolution. Mourez au moral pour ceux qui ne vous aiment pas, et vivez pour ceux qui vous aiment. »


Ce lundi 8 [septembre 1817]. — « Me voilà revenu à Montgraham, en train de politique comme un chien qu’on fouette, plein devons et de mes Mémoires, et sentant le vent d’automne, comme du temps du défunt René ! Et vous, que faites-vous dans votre Andilly ? Le soleil me fait rêvasser de l’Italie, et les hirondelles qui vont s’en aller semblent ne plus reconnaître leur confrère, en me voyant fixé dans cette triste Gaule. Partons pour Rome, ou pour toute autre chose aussi raisonnable que cela ? Cet accès passera, et alors, malheur aux ministres !

« Vous voulez de longues lettres ; je suis si bête que je ne puis arriver à la quatrième phrase. Je n’ai rien dans mon cerveau, mais dans le cœur beaucoup d’attachement pour vous. Ecrivez-moi. J’attends vos lettres avec un plaisir toujours nouveau. Ne comptez pas trop sur les miennes… »


Ce jeudi, 18 septembre 1817. — « Ah ! mon Dieu ! La pauvre Nathalie ! Quelle fatalité me poursuit ! Ne vous ai-je pas dit que

  1. Un second mariage avait éloigné Félicie, la fille aînée de Mme de Duras, de sa mère. Ce fut la plus grande douleur de sa vie. On lira dans le livre de M. Pailhès les lettres navrantes où la pauvre mère révèle sa blessure intime à Rosalie de Constant.