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Vérone, ce 25 octobre 1822. — «… J’ai vu tous les rois, princes et princesses. L’empereur d’Autriche est excellent et l’empereur de Russie, comme de coutume, généreux, noble et admirable pour nous. Il m’a parlé hier de la France avec une élévation de sentimens, une délicatesse qui me mettait les larmes aux yeux. Tout ce que je puis vous dire, c’est que notre position est bonne, que nous n’avons rien à craindre de qui que ce soit au monde, et que tout me fait espérer que nous sortirons de ce Congrès avec honneur pour nous et sûreté pour notre pays.

« Je ne puis vous dire si je plais à ces rois et à leurs ministres. On ne sait jamais ce que les autres pensent de vous. Je suis arrivé ici sans soutien. Tout était armé contre moi. J’ai vu des gens qui me souriaient et qui auraient voulu m’é ton fier. On avait évidemment travaillé à faire naître contre moi des préventions de toutes les sortes. Je me suis contenté d’être poli, de me promener au soleil, de peu parler, de répondre quand on m’a interrogé, ne recherchant, ni ne fuyant personne. J’ai eu des conversations sérieuses avec le prince Metternich, M. Gentz, le comte de Bernstorff, M. Nesselrode, et même Pozzo.

« — Je suis bien aise, m’a dit l’empereur de Russie, que vous, particulièrement, soyez venu ici. On gagne à se voir mutuellement. Vous connaîtrez par vous-même ce que c’est que l’Alliance. Bien des gens la calomnient, et vous pourrez dire qu’elle est fondée sur les motifs les plus désintéressés et les plus purs. »

« Ce Congrès sera pour moi une rude épreuve, et le chef-d’œuvre de ma conduite politique serait d’y avoir détruit tout ce que la haine et l’envie ont amassé contre moi de calomnies depuis huit ans. Je ne m’en flatte pas, mais j’aurai déjà beaucoup gagné si j’ai forcé l’inimitié à l’estime et si les intrigues viennent échouer contre mon peu de savoir-faire et ma droiture naturelle… »


Vérone, jeudi soir, 31 octobre 1822. — «… Il y a ce soir même une première séance du Congrès à laquelle j’assisterai. Il y sera question de l’Espagne. Nous avons déjà des notes des hauts alliés très favorables à la France. Le prince Metternich m’a fait dire d’un autre côté qu’il désirait avoir une conversation particulière avec moi. Quand M. de Montmorency sera parti, et il doit partir dans huit jours, il est probable que les affaires se rapprocheront de moi. Je vois des symptômes de changement. On commence