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LE PRINCE DE BÜLOW.

la complication, quelque tendance à créer les difficultés pour les résoudre, un optimisme souvent excessif, tels étaient les traits essentiels de sa physionomie, quand la vieillesse désabusée du prince de Hohenlohe fit place à son allègre maturité.

C’est sur deux questions économiques, la réforme des tarifs douaniers et le canal de l’Elbe au Rhin, que le nouveau chancelier livra, en 1901, sa première bataille. Depuis 1899, Guillaume II avait personnellement insisté sur la nécessité de faire aboutir ce second projet. Il s’agissait de desservir les régions industrielles de la Westphalie et d’alléger ainsi le trafic par voie ferrée. Dès le principe aussi, ce programme s’était heurté à l’opposition des conservateurs agrariens de l’Est et des producteurs de charbon silésiens qui redoutaient la concurrence des provinces occidentales et de l’étranger. Le projet fut rejeté une première fois par la Chambre des députés de Prusse en 1899. En 1900, un nouveau texte fut élaboré, que le chancelier déposa le 12 janvier 1901. Cette fois, pour en assurer le succès, on l’avait étendu et compliqué. On y avait inscrit des mesures de protection contre les inondations de l’Oder, l’amélioration des canaux qui unissent Berlin aux provinces orientales. Le Landtag cependant ne se laissa pas convaincre et renvoya l’affaire à une commission qui traîna les débats en longueur par une sorte d’obstruction passive. Le 3 mai, M. de Bülow résolut d’en finir. Il retira le projet et déclara close la session. Le lendemain, M. de Miquel, vice-président du ministère prussien, M. Brefeld, ministre du Commerce, M. de Hammerstein, ministre de l’Agriculture, donnaient leur démission, aussitôt acceptée. Que s’était-il passé ?

La noblesse a joué toujours en Prusse et conserve en Allemagne un rôle prépondérant. En vingt ans, surtout depuis 1880, elle est parvenue, de succès en succès, à concentrer en elle toute influence et tout crédit. En 1900, dans les Chambres, elle règne et elle gouverne. Dans les administrations publiques, ses représentans détiennent les chemins du pouvoir et y défendent leurs théories où s’expriment les traditions d’une caste et les intérêts d’une classe. Ils sont loyalistes, parce que l’es faveurs vont à eux ; réactionnaires, parce que c’est dans le passé qu’est le principe de leur force ; protectionnistes, parce qu’ils sont propriétaires ruraux. Tant que Bismarck a duré, ils ont dû se contenter de la part qu’il leur faisait ; lui parti, ils ont constamment gagné du