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deux républiques boërs, il affirmait sa résolution de poursuivre un résultat définitif, donnant ainsi satisfaction à l’amour-propre national ; en même temps, il contraignait l’intervention éventuelle d’une puissance étrangère, si amicale ou discrète qu’elle fût, à prendre le caractère d’une immixtion dans les affaires intérieures de l’Empire, ce qui la rendait par avance inacceptable.

Tout en se préparant à envoyer en Afrique de nouveaux renforts pour remplacer les 50 000 hommes tués, blessés ou rapatriés comme invalides, depuis le début des hostilités, le Cabinet anglais mettait les pays annexés sous l’administration du gouverneur de la colonie du Cap, lord Milner, avec le titre de Haut-Commissaire. Les institutions représentatives dans le Transvaal et l’Orange ayant été détruites, l’autorité de ce fonctionnaire y devenait nécessairement autocratique.

Les exploits des généraux boërs, notamment de Louis Botha, Christian De Wet et Delarey, firent durer les opérations jusqu’au printemps de 4902. Pendant cette période, l’œuvre de réorganisation ne put faire que peu de progrès. La conclusion de la paix permit enfin à lord Milner de s’y livrer sans rencontrer d’autres obstacles que ceux qui provenaient de la nature des choses et de la divergence des intérêts à sauvegarder. Le pays tout entier était dans un état lamentable. C’était donc une lourde tâche. Le Haut-Commissaire s’y appliqua énergiquement ; mais ses vues personnelles ne s’adaptaient pas autant qu’il eût été désirable à la nature essentiellement pacificatrice de sa mission. Il avait apporté en Afrique australe les mêmes conceptions purement anglaises, les mêmes préjugés et tendances dont ses actes avaient été inspirés alors qu’il occupait au Caire les fonctions de conseiller financier du gouvernement khédivial. On trouve dans son ouvrage England in Egypt, l’exposé, empreint d’une sorte de mysticisme candide, des théories de domination nécessaire et providentielle de la Grande-Bretagne, toiles qu’elles avaient cours chez nos voisins vers l’époque du grand jubilé de la reine Victoria. Esprit lucide, doué de rares facultés d’assimilation, caractère tenace et combatif, patriote au plus haut degré, lord Milner est le plus brillant disciple de l’école de l’impérialisme intransigeant fondée par M. Chamberlain. Les adeptes de cette doctrine, dont les premières années de ce siècle n’ont pas encouragé les vastes espoirs, se distinguent des impérialistes plus modérés,