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force de cohésion de l’empire britannique réside dans cette conception d’apparence téméraire, la seule pourtant dont l’expérience ait été heureuse.

Cette politique de générosité devait cependant, à l’égard des colonies annexées de l’Afrique du Sud, paraître hâtive. Comment supposer qu’à peine au sortir de si rudes conflits, les colons anglais et les colons boërs n’allaient plus connaître d’autres rivalités que celle d’une cordiale émulation ? L’objection, ainsi formulée, semblait irréfutable. C’est que la question n’était pas posée comme elle devait l’être. Les rivalités subsistent, elles subsisteront longtemps encore. La fusion des idées, l’union des cœurs, sont bien loin d’être accomplies, si jamais elles doivent l’être. Ce sont les rancunes des vaincus qui se sont calmées et les exigences des vainqueurs qui ont diminué. La cause initiale de cette évolution se trouve dans ce fait que les deux races en présence, quoique si dissemblables, possèdent une qualité commune, le sens des nécessités ou, plus simplement, le bon sens. C’est lui qui, de part et d’autre, a éclairé les esprits. Aux uns, il a imposé la constatation du caractère irrévocable de la conquête ; aux autres, le respect de la valeur, non seulement militaire, mais aussi morale et intellectuelle, d’un adversaire jusqu’alors traité en peuple arriéré et de rang inférieur. C’est pourquoi, à mesure que les souvenirs de la guerre s’éloignaient dans le passé, Anglais et Boërs reconnaissaient l’inutilité de chercher à s’éliminer mutuellement et l’obligation de collaborer au relèvement du pays. Un sentiment très vivace, surtout chez les Boërs, favorisait ce rapprochement ; c’était celui de la confiance dans l’avenir. Même au début de la guerre, même pendant la guerre, les chefs boërs disaient : « Quoi qu’il arrive, l’Afrique du Sud sera un pays libre ! »

Voyons comment les événemens ont fait de cet espoir une réalité.


III

L’annexion du Transvaal et de l’Orange, proclamée dès l’entrée de lord Roberts à Pretoria et à Bloemfontein, était un expédient politique. Le gouvernement anglais, sans prévoir que la campagne se prolongerait pendant deux années encore, savait qu’elle n’était pas finie. En déclarant territoire britannique les