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LE PRINCE DE BÜLOW.

d’abord, l’affaire de la Banque de Poméranie, où le comte de Mirbach, grand maître de la Cour de l’Impératrice, avait été compromis par d’étranges révélations sur la comptabilité des bonnes œuvres qu’il patronnait. Plus récemment, le nom du très agrarien ministre de l’Agriculture, M. de Podbielski, avait été mêlé à une louche histoire de fournitures coloniales. Le chancelier avait paru résolu à l’écarter du pouvoir. Mais, plusieurs mois durant, sa volonté avait été tenue en échec, — par celle de l’Empereur, disait-on. A l’automne de 1906, les journaux, commentant ces incidens, cherchaient des responsables. Les uns s’en prenaient au prince de Bülow. D’autres insinuaient que Guillaume II était le jouet d’une camarilla et qu’il y avait, près du trône, un Etat dans l’Etat, un gouvernement contre le gouvernement. La paisible et déférente Allemagne était secouée de soubresauts d’irrespect. L’escroquerie du capitaine de Kœpenick devenait l’occasion d’un éclat de rire homérique, d’une révolte joyeuse contre « la superstition de l’uniforme. » Et toutes les manifestations critiques obtenaient un inquiétant succès de publicité et de faveur.

Un jour, c’était l’apparition des Mémoires de Hohenlohe, — avec la réplique impériale qu’elle provoqua, la démission du prince Alexandre de ses fonctions de préfet de Colmar, ses explications, parfaitement mesurées d’ailleurs, sur le droit des Allemands à juger par eux-mêmes les hommes et les choses, à enregistrer librement des témoignages authentiques, à ne pas sacrifier leurs sens propre au culte du convenu et de l’indiscuté (octobre 1906). Puis, c’était le comte de Reventlow, — non plus libéral celui-là, comme les Hohenlohe, mais conservateur résolu, — qui mettait en librairie son livre retentissant : L’Empereur Guillaume II et les Byzantins, curieux réquisitoire contre la servilité des courtisans, contre l’abîme creusé entre le peuple et le souverain, contre l’excès du bluff et l’incohérence des directions ; analyse singulièrement sévère des raisons de « la crise monarchique. » En même temps, un « pessimiste, » dans une brochure, Notre Empereur et son peuple : Soucis allemands, signalait la faillite du « nouveau cours » et concluait : « Du temps de Bismarck, on ne prononçait notre nom qu’avec respect. Aujourd’hui, les passans, assourdis par le bruit de réclame que nous faisons, se demandent ce qu’il y a derrière l’énorme façade sur laquelle s’étale avec pompe l’enseigne de l’Ère nouvelle et quel