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suis avisé qu’elle ne pourrait me suivre à chacun de mes voyages, et que sa vie recluse lui semblerait plus pénible par le contraste avec ses souvenirs. Aussi l’ai-je laissée à ses devoirs maternels.

J’admirai l’égoïsme ingénieux d’Hassan bey et j’acceptai son invitation.

— Devrai-je porter un fez ?

— Inutile. Nous habitons la campagne. J’enverrai à la gare un gamin qui te conduira chez nous.

Le dimanche suivant, je me présentai à la villa d’Hassan bey. Mon ami me fit entrer dans un petit salon où sa jeune femme, confuse et rougissante, attendait ma visite. Par le truchement du mari, nous échangeâmes quelques politesses, mais la conversation languissait un peu. Un grand bruit, au-dessous, inquiéta soudain mes hôtes. Ils me laissèrent seul, un moment, et reparurent, lui riant aux éclats, elle consternée.

— Mon ami, déclara Hassan bey, je t’ai dissuadé de mettre un fez. J’ai eu tort : nous sommes menacés d’une catastrophe domestique. La cuisinière qui t’a vu, refuse de te servir à déjeuner. C’est une vieille paysanne, très fanatique, qui a nourri ma femme et qui est un peu servante-maîtresse. Elle me menace des foudres d’Allah, et me traite d’impudique, parce que je te montre ma femme « toute nue, » c’est-à-dire « tête nue. » Je te prie de patienter quelques minutes. Je vais persuader cette mégère…

Je restai donc avec la jeune femme, pendant que mon ami morigénait la cuisinière. Il nous avertit enfin que l’irascible musulmane consentait à préparer la nourriture du giaour. Et nous passâmes dans la salle à manger. La vieille apporta un plat qu’elle me servit à bout de bras, en détournant la tête. Elle était empaquetée et voilée hermétiquement, mais Hassan bey me dit :

— Elle te surveille, et fait une moue horrible en te regardant.

Dans l’après-midi, après une amicale conversation, Hassan voulut prendre du café. Ce fut le signal d’un nouveau drame. La vieille, qui s’était désemmaillotée pour laver sa vaisselle, refusait de se vêtir et refusait aussi de me révéler son visage. Hassan bey redoubla d’éloquence, et déclara qu’il prenait tout le péché pour lui et que lui seul en rendrait compte au jour du Jugement.