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bons services. Autant d’axiomes absolutistes qu’Omer Talon, si la Compagnie du Saint-Sacrement avait comparu en justice, n’eût pas manqué d’asséner sur son « illégale » charité. Et les confrères s’en rendaient bien Compte : « Nos emplois, » écrivait en 1657 Du Plessis-Montbard, « par leur diversité et par leur force, appartiendraient plutôt à des souverains qu’à nous[1]. »

Toutefois, il y avait sous l’ancien régime, contre une compagnie telle que celle du Saint-Sacrement, un grief plus redoutable encore que celui d’une concurrence impertinente faite au gouvernement dans le domaine social ; c’était le grief de cabale, autrement dit d’intrigue politique.


I. — LE ROLE POLITIQUE DE LA COMPAGNIE DU SAINT-SACREMENT : L’OPPOSITION DÉVOTE SOUS LOUIS XIII KT LOUIS XIV

Dans son mémorial de la Compagnie du Saint-Sacrement, d’Argenson s’évertue à écarter d’elle ce soupçon fatal, et quand ce soupçon devint une accusation, à la réfuter. La Compagnie du Saint-Sacrement de Paris a toujours évité, selon lui, de se mêler des affaires de l’Etat, et même des affaires de l’administration. « D’abord qu’elle trouvait dans les commissions » que lui confiaient les Compagnies des provinces, « quelque chose qui regardait la finance, le ministère ou l’Etat, elle répondait que toutes ces matières n’étaient pas de son objet, qu’elle n’avait en vue que le spirituel et le soulagement des pauvres, sans se mêler du gouvernement public qu’elle devait toujours respecter. » En 1649, elle a résisté aux particuliers qui voulaient l’engager à réclamer contre les vexations des traitans. « Durant la Fronde, elle a été d’une fidélité inviolable à son légitime souverain ; » « elle n’oublia rien de tout ce qui dépendait d’elle pour faire de sorte que le Roi fût toujours servi ; » elle « priait ceux qui n’avaient pas suivi le parti du Roi » de ne plus se trouver aux assemblées. En 1657 encore, elle a refusé à la Compagnie de Moulins l’autorisation d’admettre un confrère de Rennes exilé à Moulins pour raison politique. Elle fut toujours « aussi attentive que possible » à ne rien faire qui pût « ni préjudiciel à l’Etat, » ni seulement « déplaire à la Cour en matière de gouvernement. »

Mais d’Argenson caresse le rêve d’un rétablissement de la

  1. Lettre publiée par l’abbé Croulbois, dans la Revue d’histoire et littérature religieuse de 1904, p. 540.