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appelle de ce nom. » Et ce nom, ici, sous la plume de Colbert, est moins, évidemment, l’appellation générique d’une masse diverse d’individus pieux que la désignation d’une « compagnie » spéciale. Quelle compagnie, sinon celle dont Lamoignon, protecteur fidèle, accepte de cacher chez lui le « coffret des papiers[1] ? »

Bientôt après, Colbert aborde l’œuvre économique qu’il médite : tout de suite, et à deux reprises au moins[2], soit sur la question des vœux monastiques, dont il veut reculer l’âge légal, soit sur celle des fêtes chômées dont il veut diminuer le nombre, il est combattu. Par qui ? De nouveau par ce Lamoignon, qui se plaint du reste, ouvertement, d’être éloigné des affaires, comme s’il était ce candidat au ministère, — évincé, — qu’Olier proposait naguère à Anne d’Autriche…

Dans le même moment, le prestige du jeune Roi, l’éclat de sa Cour, l’attrait des plaisirs et des fêtes qu’il aime, sont précieux aux desseins de Colbert : or, qu’observe-t-il en 1663, à propos du voyage du Roi à Marsal en Lorraine ? « Tout ce qu’il y avait de gens de qualité à la Cour ont suivi le Roi ; » « même tous les gentilshommes des provinces voisines se sont mis en chemin pour le joindre : » les seules personnes de qualité qui boudent, ce sont « celles qu’on appelle les dévots. » Et parmi ces gentilshommes de méchante humeur et d’attitude irrespectueuse, Colbert en nomme un, le comte d’Albon, qui est un membre des plus notables et des plus actifs de la Compagnie du Saint-Sacrement…

Ce n’était pas tout encore, et toujours à cette date. Colbert et Lyonne, et même Le Tellier, d’accord avec Louis XIV, sont alors engagés à fond dans « cette politique d’humilier Rome et de s’affermir contre elle[3], » politique dont le résultat, sinon le but, eût été de ne conserver en France avec le Saint-Siège qu’un « lien nominal. » Ils envoient à Rome les diplomates les plus propres « à allumer le feu entre Louis XIV et le Pape. » Ils trompent le Souverain Pontife par des promesses publiques et le

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1903, p. 54, et sur Fouquet, les ouvrages de Chéruel et de Lair.
  2. P. Clément, Colbert et les Lettres et Mémoires publiés par P. Clément et P. de Brotonne.
  3. Ce sont les termes de Bossuet, dans une conversation rapportée par l’abbé Le Dieu (Journal, t. I, p. 8). Voyez, pour les détails suivans, Charles Gérin, Louis XIV et le Saint-Siège, t. I, p. 255, 435-443, 461-486, et l’abbé Croulbois, l’Intrigue romaine, article cité ci-dessus.