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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/224

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voulut être, — l’adversaire perspicace, au point de vue religieux, du système de gouvernement « réaliste, » et indifférent ou neutre, qui fut, soit dans les alliances extérieures, soit dans l’administration intérieure, celui de Richelieu, de Mazarin et de Colbert. Il ne se pouvait pas que la Compagnie du Saint-Sacrement ne fût pas l’instinctive et logique ennemie de ce que d’Argenson appelle les « ministères indévots, » et dès lors, qu’elle ne fût aussi, en présence de la direction que prenait l’histoire de France, le foyer secret de tous les mécontentemens mystiques.


II. — JUSQU’A QUELLE DATE SE PROLONGEA PEUT-ETRE LA COMPAGNIE DU SAINT-SACREMENT

Mais il était impossible aussi qu’une société dont le dessein primitif avait été si heureusement rempli, et dont la volonté de vivre était encore, après quarante ans de durée, si jeune, disparût aussitôt et à tout jamais, docilement. La Compagnie du Saint-Sacrement survécut à l’abolition de 1666, et, en plusieurs endroits de la France, sinon partout, d’une façon beaucoup plus réelle et plus prolongée que la relation de Voyer d’Argenson ne permet de le supposer.

A en croire d’Argenson, il n’aurait subsisté d’elle, au moins à Paris, que « les ouvrages solides et permanens établis par ses soins pendant qu’elle avait toute sa force : « par exemple, la Compagnie des Prisons, la Compagnie des nouveaux convertis, la Compagnie pour le secours spirituel des malades et des agonisans de l’Hôtel-Dieu, » les Compagnies des Dames, les Compagnies des paroisses pour les pauvres honteux, enfin et surtout l’Hôpital général et la Société et le Séminaire des Missions étrangères. Dans toutes ces créations, assurément, elle avait mis le plus possible de son esprit, spécialement dans les deux dernières. L’Hôpital général « a renfermé, dit d’Argenson, une grande partie des bonnes œuvres qui étaient de l’esprit de cette Compagnie, » et quant à la Société des Missions étrangères, le Saint-Sacrement en avait caressé le rêve et soigné la formation avec une particulière complaisance ; « il y voyait son Benjamin, le plus cher enfant de sa vieillesse, l’ouvrage le plus spirituel et le plus rempli de foi qu’il eût jamais entrepris. » En outre, comme beaucoup de confrères de la Compagnie dissoute firent à la fois