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prudence, » s’il ne s’agissait que d’un Conseil d’assistance judiciaire « pour l’accord des procès et la défense des pauvres ? » Cette obstination dans le mystère paraît indiquer qu’on se proposait, derechef, de poursuivre, en dehors de l’Eglise officielle, l’effort universel et profond pour lequel le secret était indispensable.

Au surplus, si, dès 1670-1673, la Compagnie, renaissant sous le travestissement du « Conseil charitable » de Saint-Sulpice[1], songe à reconquérir les provinces, cette ambition n’avait rien d’étonnant. Il est en effet douteux qu’elle les eût jamais perdues.

La tourmente de 1660-1666 n’avait, peut-être, sévi gravement que sur la Compagnie de Paris. Dans le clergé provincial, la Compagnie du Saint-Sacrement avait, semble-t-il, dès 1660, pris ses précautions pour continuer à exercer une action sûre. Des associations secrètes[2] groupaient « dans plus de vingt villes de France, » — Bordeaux, Toulouse, Carcassonne, Cahors, Clermont, Lyon, Orléans, entre autres, — les étudians en théologie ou en philosophie, — et quoique le président des réunions fût, dit-on, un Père jésuite, le fondateur, au moins à Bordeaux, de ces associations paraît avoir été M. de Meur, l’un des confrères les plus distingués du Saint-Sacrement. De plus, ces associations, — distinctes des congrégations de la Vierge, qu’avaient fondées depuis longtemps les PP. Jésuites, et qui ne se dissimulaient pas, — ressemblaient à la Compagnie du Saint-Sacrement par leur attachement au mystère. Aux séminaristes qu’elles groupaient, on enseignait, — comme Renty ou Du Plessis-Montbard aux confrères du Jeudi, — que « le secret est l’âme de la Compagnie, » que le violer, c’est la détruire. « Ne la révélez à qui que ce soit, ni aux amis les plus intimes, ni aux parens les plus chers, pas même au confesseur le plus affidé. » Dès qu’il sera fait à un « associé » une question à laquelle celui-ci ne pourra répondre sans convenir de l’existence de la Société, ou sans blesser la vérité, cet associé devra répondre hardiment « qu’il n’existe point de Société pareille. » En quoi, il ne mentira point : attendu

  1. Je rappelle que d’Argenson, indiquant, en 1096, à l’archevêque de Paris, les endroits où l’on pourrait recruter à nouveau la Compagnie du Saint-Sacrement, si on voulait la refaire, ne dit pas un mot du « Conseil charitable. »
  2. J’emprunte quelques-uns de ces renseignemens à une brochure intitulée : Une Société secrète aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’AA cléricale… A Mystériopolis, chez Jean de l’Arcane, 1893 [in-8]. Tiré à 100 exemplaires, brochure qui, sous cette forme de clandestinité humoristique, est appuyée de faits, de dates et de textes sérieux. L’auteur était probablement un ecclésiastique.