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qu’aussitôt que le Supérieur sera informé que cette fâcheuse question a été posée à l’un des adhérens, il décidera, rétrospectivement, que la Société a été dissoute ipso facto, dans l’instant même où fut posée la question importune… Et, dès lors, ce Supérieur la laissera « dans l’extinction. »

Il est sûr, aussi, que la Compagnie du Saint-Sacrement, en outre de ces groupemens cléricaux, — si tant est que c’est elle qui les créa, — maintint en province, après 1666, sinon toutes ses succursales, au moins beaucoup d’entre elles. D’Argenson lui-même l’avoue, en dépit de sa discrétion, dans cette relation de 1696, destinée à édifier Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris. Parlant de ce Congrès des compagnies qu’en 1658 la Compagnie de Paris avait organisé[1] : « Il semble, dit-il, que la divine Providence avait ordonné ces conférences pour inspirer l’esprit de la Compagnie aux compagnies de province, où il se continue encore aujourd’hui, bien que leur mère soit anéantie. »

A Grenoble, à Dijon, cette continuation a déjà été constatée[2]. La Compagnie des œuvres fortes, — qui était le nom bourguignon de la Compagnie du Saint-Sacrement, — ne cessa probablement pas d’exister en 1666 ; mais en 1673, sous l’impulsion de messire Bénigne Joly, prêtre, docteur de la Faculté de Paris, elle reprit une vie nouvelle et une vie si ardente que, de 1677 à 1679, les Conseils de ville s’émurent de ces agissemens, « voilés du prétexte de la charité chrétienne, » mais dont « les voies sont directement opposées à cette même charité chrétienne qui condamne la diffamation. » Le zèle de ces « Frères des œuvres fortes » contre la débauche allait, à Dijon, comme jadis à Bordeaux, jusqu’à la séquestration arbitraire des coupables.

A Lyon, où la Compagnie du Saint-Sacrement avait eu des

  1. Voyez la Revue du 15 août 1908 (t. XLVI, p. 845).
  2. Allier, Cabale des Dévots, p. 411-436. L’un des membres les plus actifs de la Compagnie du Saint-Sacrement, Du Plessis-Montbard, mourant en 1672, légua tous ses biens à Philippe Aubery, l’un des anciens officiers de la Compagnie (J. Croulbois, art. cité, p. 535). M. Allier a signalé (p. 430) qu’au mois de mars 1671, Colbert invite le procureur général de Harlay à enquêter sur une « des assemblées de particuliers qui se sont qualifiées d’Œuvres fortes, » et qui, « quoique animées de zèle et de bonnes intentions, sont néanmoins contraires aux ordonnances du royaume. » Cette Société est peut-être la même que celle dont parle S. Mercier dans son Tableau de Paris (éd. de 1782, t. IV, p. 87-91), mais il en parle comme d’une association de « censeurs publics » des scandales, fondée en 1661, assertion qui prouve qu’à Paris, à la fin du XVIIe siècle, le souvenir de la Compagnie du Saint-Sacrement était entré dans la légende et s’y était déformé.