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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/233

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plan fut conçu à Dinan, dès 1790, et réalisé à Paris, dès 1791, par ce très intéressant Père de Clorivière, né en 1735, qui a été l’un des « mainteneurs » les plus hardis de la vie catholique en pleine Révolution. Il n’est pas du tout impossible que les souvenirs de la Compagnie du Saint-Sacrement dans un pays où elle avait eu de bonne heure cinq foyers (à Saint-Brieuc, à Morlaix, à Rennes, à Vitré, à Laval, sans compter les autres Compagnies de Bretagne, que nous ne connaissons pas), aient été pour quelque chose dans la conception du P. de Clorivière. Car il rêvait « une nouvelle Société religieuse d’hommes qui ne respireraient que la gloire de Dieu et le salut du prochain, » mais qui, pour atteindre son but, « devrait se former comme à l’insu des peuples, et en quelque sorte malgré eux ; » — société dont la constitution congréganiste permettait cependant l’entrée à « tout le monde » et laissait aux membres la faculté de rester dans la « société civile ; » — société que, du reste, les évêques d’alors n’autorisèrent pas, ce semble, sans quelque hésitation.

Malgré ce peu d’appui et malgré la difficulté des temps, les Sociétés des Cœurs de Jésus et de Marie se répandirent assez vite, surtout après 1792, dans un assez grand nombre de diocèses, notamment à Saint-Brieuc, Aix, Rouen, Chartres, Sens, Séez, Besançon, Poitiers, Tours, Orléans. Il est permis de croire que cela tient à ce qu’elles trouvèrent des foyers de zèle, non encore éteints, des effectifs tout prêts à un enrôlement nouveau, dans des groupes du Saint-Sacrement que leur caractère extra-ecclésiastique et leur vie clandestine avaient pu préserver de la tourmente. D’autant que la collaboratrice habituelle du P. de Clorivière, Mlle de Cicé, qu’il avait mise à la tête des Dames du Sacré-Cœur de Marie, dirigeait parallèlement une « Société des Bonnes œuvres[1]. » — Dans la persistance, ininterrompue, on le sait à présent, du culte catholique pendant la Révolution, et dans sa restauration, si rapide, qui sait si les vieilles Compagnies du Saint-Sacrement n’ont pas fourni des élémens précieux ?

René II de Voyer de Paulmy d’Argenson commence ainsi son histoire de la Compagnie de Paris[2] :

« On aura sujet de me demander pourquoi je me donne la

  1. Voyez sur le P. de Clorivière et ses collaborateurs, les ouvrages des PP. Guidée et Terrien.
  2. Annales, publiées par le R. P. dom H. Beauchet-Filleau, moine bénédictin, p. 7.