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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/287

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L’ÉVOLUTION DES DÉPENSES PRIVÉES
DEPUIS SEPT SIÈCLES


II

LA NOURRITURE[1]


Les peuples et les gens qui « vivent pour manger » sont surtout ceux qui n’ont pas de quoi manger, parce qu’il n’est point de bien auquel nous tenions plus et dont nous jouissions autant que celui dont la possession est rare, et dont la perte est toujours imminente ou redoutée.

Cela ne veut pas dire que plus les humains ont de quoi manger et moins ils mangent ; c’est le contraire qui est vrai : l’augmentation prodigieuse des consommations dans notre pays, depuis un siècle, suffit à prouver que les générations précédentes manquaient assez du nécessaire, puisque les générations actuelles, avec une ration plus que doublée, ne se découvrent pas de superflu. Mais à mesure que la nourriture devient plus abondante, qu’il se voit une plus grande variété de mets sur chaque table et moins de différence entre les tables des différentes classes, le souci de la pâture diminue et sa place dans la vie sociale, si grande encore aujourd’hui chez les nations à demi barbares, si large chez les Français d’autrefois qui craignaient toujours de mourir de faim, devient de moins en moins importante au foyer de nos concitoyens enrichis et repus.

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1909.