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Le faisan était deux ou trois fois plus cher qu’aujourd’hui, — question d’élevage, — et la perdrix un peu meilleur marché. La diversité des prix était d’ailleurs extrême : un perdreau se payait sous Louis XV depuis 6 francs jusqu’à 0 fr. 60, comme sous Henri II ou sous Charles V, Aux époques les plus précaires du moyen âge, le lièvre et le lapin, que l’on se figurerait pulluler librement dans des champs désertés, coûtaient l’un le même prix, l’autre plus cher qu’à la fin de l’ancien régime ; le lièvre de 3 à 7 francs, le lapin de 1 fr. 70 à 4 francs.

Le mouvement des prix ne saurait nous renseigner exactement sur l’importance relative des consommations à diverses dates, si nous ne connaissons pas les chiffres de production. Lorsque l’offre et la demande d’une denrée ont également augmenté ou diminué, son prix peut demeurer immobile, bien que son rôle dans l’alimenlation ait énormément changé. Il arrive aussi qu’une denrée baisse de prix sans être plus offerte, ou hausse sans être plus demandée. Toutefois, lorsque nous savons qu’une marchandise traitée présentement de luxueuse, comme par exemple le gibier, contait le même prix jadis, nous sommes en droit de conclure qu’elle n’était pas autrefois plus copieuse ; et lorsque aussi nous sommes sûrs que la production d’un article s’est accrue dans une très large mesure, sans que son prix ait baissé, cela nous prouve que sa consommation a dû progresser parallèlement.

Tel est le cas du beurre, du fromage et du lait : depuis trente-cinq ans seulement, le nombre des vaches et génisses a passé de 7 à 12 millions, et le rendement moyen de chaque bête, en lait, a augmenté grâce à une alimentation plus riche et au perfectionnement de l’espèce. Il y a quelques siècles, la généralité des vaches ne donnaient de lait que pendant six mois de l’année ; les six mois où elles trouvaient dans les champs et les bois livrés à la vaine pâture quelque chose de plus qu’il ne leur fallait pour subsister. Nous avons encore des vaches que l’on ne trait jamais, dans quelques départemens du Midi où elles ne servent qu’à la culture et à la boucherie. Mais ce qui est aujourd’hui l’exception, pour deux cents milliers de têtes peut-être, était d’usage au temps passé pour la grande majorité des troupeaux.

Il ne se faisait donc de beurre et de fromage que pendant la belle saison, et le lait se vendait trois fois plus cher en hiver qu’en été : 0 fr. 40 le litre fut le prix moyen du moyen âge et des temps modernes. Avec la création des prairies artificielles, vers