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de vote, qui implique un certain pouvoir sur autrui en même temps que sur soi. Nos communes destinées sont liées à cette condition que le suffrage universel ne soit pas exercé par des ignorans, des incapables, des insociables et des immoraux, qui n’en feront pas moins la pluie ou le beau temps, la paix ou la guerre. Le père de famille, enfin, a le devoir et le droit d’élever et d’instruire ses enfans, soit personnellement, soit par délégation, conformément à sa conscience en même temps qu’aux garanties exigées par l’État. L’enfant mineur ne peut pas exercer lui-même ses droits ; il est sous une double tutelle, la tutelle immédiate de ses parens et la tutelle plus lointaine du gouvernement. Il reste donc pratiquement deux termes en présence : la famille et l’Etat. Méconnaître les droits de l’un ou les droits de l’autre, égale erreur. Donner à l’un ou à l’autre un pouvoir absolu sur l’enfant, égale erreur. C’est, avant tout, au père qu’il appartient de faire ou d’assurer l’éducation de son enfant ; l’Etat ne peut intervenir que pour obliger les parens, s’il est nécessaire, à remplir leur devoir civique en même temps que familial d’éducation et d’instruction. Les parens gardent le droit de choisir les maîtres qui ont leur confiance, pourvu que ces maîtres remplissent les conditions de capacité exigées par la loi. Le droit d’enseigner, en effet, a des limites plus étroites que le droit d’aller et de venir, de parler et d’écrire ; c’est qu’il s’exerce à l’égard de mineurs, qui sont encore incapables de faire le triage du vrai et du faux, du bon et du mauvais. Si je parle en public ou si j’écris un livre, je parle et écris pour des citoyens majeurs, qui peuvent m’écouter ou ne pas m’écouter, me lire ou ne pas me lire. Dans l’enseignement, au contraire, je parle à des enfans ; ceux-ci sont obligés d’écouter ce que les parens et l’Etat demandent que je leur enseigne. De là des conditions de capacité, de moralité, d’indépendance, dont l’Etat est juge et garant. On comprend donc qu’il impose ces conditions, même rigoureuses ; on comprend qu’il pratique au besoin des exclusions ; en un mot, on comprend toutes les précautions possibles et toutes les garanties possibles ; mais ce que l’on ne comprend pas, c’est la confiscation de l’enseignement au profit de la majorité actuelle, représentée par une minorité d’hommes qui, pas plus que les autres, ne doivent dire : La vérité, c’est moi. Une fois toutes les conditions de capacité remplies, au nom de quel droit me refuserait-on le pouvoir d’enseigner, si des parens veulent