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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/374

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actuelle forme à peine le dixième de la population totale, et les moyens manqueraient pour assurer la subsistance d’un contingent nombreux de Juifs indigens, s’ils étaient brusquement amenés dans un pays qui ne possède ni épargne, ni outillage et qui est presque dénué de ressources naturelles. Il était clair, d’ailleurs, pour M. Zangwill, que le gouvernement turc prendrait ombrage d’une immigration en masse et ne tolérerait qu’une « infiltration. » Or, dès qu’il s’adonna au problème et l’envisagea d’une manière pratique, il jugea que l’immigration en masse avec une certaine dose d’autonomie, — d’autonomie municipale, sinon politique, — était la solution vraie, la seule définitive.

La nouvelle Terre promise ne pouvait donc se rencontrer sur le site de l’ancienne. Un grand nombre de Sionistes, pour qui la tradition religieuse primait l’idée nationale, refusaient de se rendre à ces raisonnemens. De là une scission dans le mouvement et un nouveau groupement des forces. Les Sionistes dissidens fondèrent la Jewish Territorial Organization, qui se déclarait prête à accepter, comme lieu de refuge et comme patrie, toile contrée qui leur promettrait une existence assurée et indépendante. Avec les trois initiales I. T. O., un mot fut fabriqué, Ito, qui servit de racine à plusieurs dérivés, Itoism, Iloist. On désigna du nom d’Itoland cette contrée anonyme où la patrie juive devait se reconstituer. Ici va paraître un moment sur la scène M. Chamberlain. Il s’était intéressé au projet du docteur Hertzl. Il ne lui eût pas déplu d’abriter un État juif à l’ombre de ce drapeau anglais qui protège déjà de vastes communautés françaises ou hollandaises et 300 millions d’Indiens. A son retour du Transvaal, il crut avoir découvert, du pont de son navire, le lieu prédestiné, sur la côte de l’Afrique Orientale. C’est à ce moment, je crois, que la divergence du Sionisme et de l’Itoïsme fut le plus accusée et déchaîna les plus aigres polémiques. L’idée de M. Chamberlain, d’abord accueillie avec enthousiasme, ne résista pas à un examen attentif. Le paradis qu’il désignait aux Juifs était trop loin, et il était évident qu’une race européenne ne pourrait s’y implanter qu’après avoir payé un tribut meurtrier au climat de la zone équatoriale. On renonça donc à l’Afrique orientale et on étudia un plan de colonisation dans la Cyrénaïque. Ce projet amena des conversions dans les rangs des Sionistes. La Cyrénaïque offrait de grands avantages. Elle