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était séparée seulement de la Russie méridionale par la Méditerranée et de la Palestine par l’Egypte. C’était comme une étape vers Jérusalem. Avec son sol fertile et sa belle étendue côtière, la Cyrénaïque ferait des Juifs, peuple de marchands, un peuple de marins et d’agriculteurs. La vie active, la vie en plein air, au sortir des noires boutiques d’Odessa, relèverait et fortifierait la race. Toutes les pensées des patriotes juifs se tournèrent vers cette classique Pentapole qui a été autrefois l’un des foyers de la civilisation hellénique et qui a donné le jour à une philosophie. L’intelligence sémite allait la réveiller d’un sommeil de plus de vingt siècles. Une commission fut chargée d’aller explorer la contrée, d’en contrôler les ressources à tous les points de vue, et le résultat de cet enquête est consigné dans une sorte de Blue book illustré qui est ouvert, en ce moment, sur ma table. Les conclusions sont favorables, sauf sur un point, qui est de première importance : pas d’eau potable en suffisance pour de grandes agglomérations humaines.

Alors, sans condamner définitivement la Cyrénaïque, on se prit à chercher un autre lieu de refuge. Un nom fut mis en avant : la Mésopotamie. Si la Cyrénaïque avait des traditions grecques, la Mésopotamie pouvait offrir mieux encore : des souvenirs qui se rattachaient à l’ancienne histoire des Juifs. La Mésopotamie est un désert. Soit : on n’en sera que plus à l’aise pour s’y installer. Mais le pays est malsain, sans ponts ni routes ; il faudrait vingt-cinq ou trente millions de livres sterling pour le drainer, pour y assurer les communications et les transports. Qui fournira ce capital ? Et M. Zangwill de répondre : « La haute finance juive les donnera, lorsqu’on l’aura convaincue que c’est un placement à 10 ou 12 pour 100. Refuserait-elle de gagner de l’argent, simplement parce qu’en faisant un gros bénéfice, elle risque de faire un peu de bien à ses humbles coreligionnaires ? » Cette saillie humoristique qui rappelle l’auteur du Bachelors’ Club, ne me convainc pas tout à fait. Les financiers israélites pourraient bien demeurer indifférens à l’affaire proposée autant qu’à l’épigramme. Puis il faut obtenir l’adhésion et le concours du gouvernement turc. En dépit des illusions auxquelles a donné lieu la récente révolution de Constantinople, les Jeunes-Turcs ne se montrent pas plus favorables qu’Abdul Hamid à la colonisation juive sur une grande échelle, comme la comprend M. Zangwill. Au mois de juillet dernier, comme le Congrès