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terminée en 1867 ; elles ont été construites par l’Autriche, à l’époque où cette puissance prétendait garder sous sa domination le Milanais et la Vénétie. La troisième est la ligne du Mont-Cenis (de Chambéry à Turin), avec son tunnel de 13 kilomètres, ouverte en 1871, et qui correspond dans l’histoire aux alliances entre la France et l’Italie nouvelle. Les deux dernières en date, sinon certes en importance, sont les lignes transalpines suisses ; elles ont été achevées, l’une, la ligne du Gothard, depuis plus de vingt-cinq ans, tandis que l’autre, la ligne du Simplon, date d’hier : les trains réguliers franchissent le nouveau souterrain depuis le 1er juin 1906.

Combien d’autres voies ont été créées et combien de tunnels percés en d’autres sens et selon d’autres directions pour rattacher ces cinq lignes essentielles les unes aux autres ou pour les atteindre plus directement ! Rappelons seulement la plus grandiose de ces lignes alpines secondaires, celle de l’Arlberg, de Bregenz à Innsbruck, de la vallée du Rhin à la vallée de l’Inn, avec son grand tunnel de 10 240 mètres, ligne déjà vieille de vingt-cinq ans. Et si l’on en vient aux faits les plus récens, le Simplon est à peine terminé que, pour franchir les masses montagneuses de l’Oberland bernois et pour se relier à lui, on construit la ligne du Lötschberg, on creuse un nouveau grand tunnel de plus de 13 kilomètres et demi.

Ne faudrait-il pas songer un peu davantage aux efforts trop souvent homicides et aux dépenses prodigieuses qu’exigent de pareilles entreprises ? Ne faudrait-il pas se rappeler que les États-Unis, ces créateurs acharnés de voies ferrées, possesseurs d’un réseau de 400 000 kilomètres construits, c’est-à-dire exactement centuple du réseau ferré de la Suisse, considèrent comme plus avantageux de faire l’ascension des montagnes que de les creuser à leur base et ne possèdent comme plus long tunnel qu’un souterrain de 7 300 mètres ? Ne faudrait-il pas enfin considérer que l’énergie électrique est en train de transformer les conditions de la traction par rapport aux fortes pentes ? On se demande, en vérité, si ce n’est pas le fait d’une sorte de folie collective que de multiplier outre mesure des œuvres semblables. En tout état de cause, les travaux réalisés correspondent à une période déjà finissante de l’histoire et de la géographie de la circulation, la période de l’exclusive traction à vapeur et le règne industriel de la houille.