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En 1908 et 1909, la Confédération suisse qui avait, de 1900 à 1903, négocié et opéré le rachat des cinq grandes compagnies[1], dut aborder le problème pratique du rachat du Saint-Gothard. Faut-il être surpris que les gouvernemens d’Allemagne et d’Italie lui aient fait alors savoir que la Suisse n’avait pas, à leur avis, le droit de racheter ce réseau sans leur assentiment ?

Le Conseil fédéral leur répondit que les traités internationaux du Saint-Gothard ne s’opposaient nullement au rachat, et que l’opération s’effectuerait le 1er mai 1909. « Chaque partie maintenant son point de vue, » on convint de réunir une Conférence à Berne « pour chercher un terrain d’entente. » Les délégués des trois pays se rencontrèrent à Berne le 24 mars 1909, et il ne fallut pas moins d’un mois de négociations très pénibles et de 17 séances plénières pour aboutir, le 20 avril, au texte des nouvelles conventions.

Dans le texte de cet arrangement amiable international, deux séries de résolutions méritent une spéciale attention.

Afin d’obtenir un rendement kilométrique plus considérable des lignes ferrées de haute montagne dans lesquelles tant de millions ont été engloutis, on majore les taxes de transit en majorant conventionnellement la distance réellement parcourue ; on ajoute donc au nombre exact de kilomètres un certain nombre de kilomètres supplémentaires, et la surtaxe résulte de ce que voyageurs et marchandises paient comme s’ils parcouraient en réalité ce supplément hypothétique. D’Erstfeld, sur le versant Nord du Gothard, jusqu’à Chiasso, sur le versant Sud, la voie a exactement 164 kilomètres 500 mètres : la surtaxe actuellement en vigueur est de 64 kilomètres. D’Erstfeld à Pino, la surtaxe est de 50 kilomètres.

Grâce à ces majorations fictives des distances, la Compagnie concessionnaire du Gothard est parvenue à réaliser les bénéfices inespérés qui sont un fait bien connu. D’une recette kilométrique de 39 600 francs en 1885, elle est passée à 61 700 francs en 1895, et à 92 500 francs en 1905, ce qui, déduction faite des dépenses, laissait, pour cette année 1905, un excédent de recettes de 39 641 francs par kilomètre.

Les chemins de fer fédéraux, dont le budget ne s’équilibre

  1. On trouvera un remarquable résumé de l’histoire des chemins de fer suisses dans un livre récent et bien informé : Pierre Clerget, la Suisse au XXe siècle, Étude économique et sociale, Paris, Armand Colin, 1908.