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sympathies de la multitude ces pompiers en robe de bure.

Mais ces pompiers étaient de vrais moines qui, en grande majorité, voulaient rester moines. Les Capucins du couvent de Bazas écrivent, le 18 janvier 1790, pour dire « l’effroi et la consternation que leur inspirent les décrets de l’Assemblée. » Pourquoi vouloir les détruire ? Le provincial des Capucins de la province de Champagne donne l’assurance que ce serait aller contre les vœux de son ordre. « La connaissance que j’ai, dit-il, de ses différens membres, au nombre de deux cents prêtres ou clercs profès et soixante-cinq frères lais en seize maisons, m’autorise à assurer que ce vœu (de rester dans leurs couvens) est celui de tous sans en excepter que dix ou douze au plus, lesquels ne donnant pas lieu d’être bien contens d’eux, peuvent peut-être désirer un autre état comme nous le désirerions à leur égard. » Le provincial parle avec sévérité de ces égoïstes, « aussi mécontens de leur état qu’on l’est de leur conduite et qui porteraient également partout dans la société civile comme dans le cloître l’inconstance et le mécontentement qui les ronge. » Il convient cependant que, si le costume est trop impopulaire, on pourrait le changer. Il en appelle du reproche d’inutilité au témoignage des évêques et des curés, qui peuvent attester les services rendus par les Capucins. Malheureusement, le supérieur qui plaide ainsi chaleureusement la cause de son ordre est obligé d’avouer qu’il est profondément atteint dans ses forces vives, qu’il ne se recrute plus, qu’il n’y a plus que des vieillards se traînant péniblement à l’office, et que, pour des causes diverses, dont la principale, dit-il, était Ledit de 1768, les cloîtres, ceux des Capucins comme les autres, marchent à la dépopulation.

La Révolution se chargea de précipiter leur mort. Elle avait contre eux un grief particulier, c’était leur mendicité. Situation singulière des moines à cette époque ! Les uns sont condamnés comme trop riches, les autres, comme trop pauvres. Il est vrai que cette pauvreté se manifestait, chez les Capucins, sous une forme de quête qui répugnait, non seulement aux goûts aristocratiques de Voltaire, mais encore aux progrès de la civilisation et aux théories économiques qui étaient en train de remplacer les anciens dogmes. L’aumône aux Capucins avait beau être entrée dans les habitudes des bourgeois et même des paysans, les réformistes ne pouvaient apercevoir leur besace sans se voiler la face. Le XVIIIe siècle, qui faisait une guerre acharnée à la