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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/458

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réfléchir. Sur huit Cordeliers, cinq se prononcent pour le statu quo, un sortira au moment du versement de la pension, un autre, vu l’incertitude de l’avenir, se retire ; le dernier répond qu’il n’a pas de déclaration à faire. Sur les seize Récollets, huit s’en vont, trois restent, et cinq refusent de s’expliquer encore. Des six Augustins, un part, un demeure et les quatre autres sont trop indécis pour prendre un parti. Des cinq Carmes, trois passent la porte, un persévère, un ne sait encore ce qu’il fera. Comment se reconnaître dans ce gâchis, et comment tirer une conclusion ? Dans ce département, il peut se dégager de ces chiffres une majorité pour la stabilité. Nous trouverions dans plusieurs diocèses des proportions encore plus grandes en faveur de la vie commune. A la date où nous sommes, au premier interrogatoire, notre impression est que, dans l’ensemble et pour la France en général, le nombre des restans balance celui des partans.

Ce qui, en dehors des chiffres à notre connaissance, nous confirme dans cette appréciation, c’est que la Constituante, ne jugeant pas sans doute suffisant le résultat de la première enquête, prescrivit six mois après un second interrogatoire, espérant bien que son insistance comminatoire vaincrait des volontés hésitantes et grossirait encore l’armée des déserteurs. Elle ordonnait que chaque religieux ou religieuse serait interpellé de nouveau sur son intention de rester ou de partir. Chaque maison devait contenir au moins vingt sujets et, pour atteindre ce chiffre, on réunirait au besoin des religieux de divers couvens, mais de préférence du même ordre. Ils se choisissaient un supérieur pour deux ans. Les religieuses qui avaient opté pour la vie commune élisaient de leur côté pour la même période, dans une assemblée présidée par un officier municipal, une supérieure et une économe. Il fallait que dans l’ordre ecclésiastique, comme dans l’ordre administratif et politique, l’élection fût désormais à la base de tous les pouvoirs. Il était dit que les pensions ne seraient payées qu’à partir du 1er janvier 1791. Les costumes particuliers de tous les Ordres étaient abolis. « Chaque religieux, disait le décret, sera libre de se vêtir comme bon lui semblera. »

Les calculs de la Constituant ne furent pas trompés. Six mois à peine s’étaient écoulés entre les deux enquêtes. Pendant ce ternes, la pression, l’incertitude, les menaces, le spectacle des