destructions qui, en se multipliant dans l’Eglise et dans l’Etat, devaient à plus forte raison frapper l’ordre monastique, tout contribuait à décourager les âmes déjà moins résistantes. Le résultat fut une disproportion marquée entre les chiffres du premier et du second interrogatoire. Nombre de religieux et quelques religieuses, qui avaient tout d’abord dit vouloir rester, rétractent leur première déclaration et optent pour le départ.
L’article de la loi ordonnant l’entassement des religieux, même d’ordre différent, pour recueillir les débris des communautés et réunir au moins par chiffre de vingt ceux qui persévéraient dans leur état, était admirable pour décourager les meilleurs. Déraciner ainsi des moines, les enlever au milieu où s’est déjà écoulée une partie de leur vie et où ils comptaient mourir, : les transplanter dans une autre maison qui leur était étrangère, les y empiler comme des invalides qu’on laisse s’éteindre avec d’autres internés qu’ils ne connaissent pas, qui servent le même Dieu sans doute, mais dont les goûts, les vœux, les règles, les costumes, les habitudes diffèrent des leurs ; vouloir fondre ensemble des congrégations qui ne veulent pas se ressembler, qui n’ont les unes pour les autres ni inclination, ni tendresse, dont les statuts mêmes consistent à se diversifier, à se sanctifier, à servir l’Eglise à leur manière, qu’elles jugent meilleure ou plus à leur convenance, quelle ironie, quelle invention superbe pour les décourager tous, pour les annihiler, pour les ridiculiser ! C’est, bien l’impression que le décret de la Constituante fit à beaucoup de moines, qui, libres de persévérer dans leur couvent et dans leur règle, auraient renoncé à les quitter. Nombre d’entre eux nous disent leurs incertitudes, leurs angoisses, leurs luttes entre le désir de garder leur état et leur répugnance à le continuer dans une maison étrangère et sous une direction inconnue. Ne leur offrait-on pas moins un cloître qu’une prison ?
Plusieurs déclarent nettement ne vouloir mener la vie religieuse que dans leur règle et avec leurs frères de vocation. « Je suis entré, écrit l’un d’eux, dans l’ordre de saint Dominique avec une sainte joie ; j’y ai vécu avec la plus douce satisfaction, et, s’il ne reste pas tel qu’il est, je quitterai mon ordre, les larmes aux yeux, toujours dévoué à Dieu, à la nation et au Roi. » D’autres, qui ont affirmé persister dans leur état sans distinction ni réserve, y renoncent quand on leur indique la congrégation différente où il faudra se rendre. Il y a plus, on vit des