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même contraires, cette cacophonie est incontestablement du plus mauvais effet. Où M. Briand a-t-il dit sa pensée véritable, à Périgueux ou au Palais-Bourbon ? Tout porte à croire que c’est à Périgueux, et la Chambre ne s’y est pas trompée, car elle continue de garder rancune à l’orateur, malgré toutes les concessions qu’il a multipliées depuis. M. Briand fait tout ce qu’il peut pour effacer la première impression qu’il a produite ; mais elle persiste, et de là vient la mauvaise humeur générale. Chacun est mécontent de soi et des autres, à l’exception pourtant des proportionnalistes déclarés, qui ont le droit de l’être seulement des autres, car, pour leur compte, ils n’ont pas varié un seul instant dans l’expression de leur pensée, et s’ils ont perdu la partie devant la Chambre, ils sont en passe de la gagner devant le pays. C’est pourquoi la majorité a pris la précaution de se réfugier dans un scrutin équivoque, afin de pouvoir dire sur le terrain électoral qu’elle a voté la réforme et qu’elle en a seulement ajourné l’exécution. La faire échouer tout en la votant, tel était le problème : la Chambre l’a résolu sans élégance.

Les défenseurs du scrutin de liste avec la représentation proportionnelle ont eu incontestablement tous les honneurs de la discussion. Rien n’égale l’indigence d’argumentation de leurs adversaires. Nous ne faisons pas d’exception pour M. Camille Pelletan, qui a paru mal à l’aise dans la thèse qu’il avait adoptée. Sans doute il n’a pas été au-dessous des autres, mais il a été au-dessous de lui-même, et il en a si bien eu le sentiment qu’il est allé demander du renfort à M. Combes. Celui-ci, du fond de sa retraite, lui a envoyé un télégramme dans lequel il conseillait à la Chambre de voter le scrutin d’arrondissement pur et simple. M. Pelletan en a lu le texte à la tribune avec la solennité que méritait un document venu de si haut. La majorité a couvert l’orateur d’applaudissemens. Il s’en est même peu fallu qu’elle n’ordonnât l’affichage de son discours ; elle s’en est cependant abstenue au dernier moment. Peut-être a-t-elle pensé qu’elle avait eu tort, quelques jours auparavant, de faire afficher un autre discours, celui de M. Briand. Elle n’y avait vu d’abord qu’une chose, à savoir que M. le président du Conseil ajournait la réforme ; elle s’était aperçue depuis qu’il y en avait quelques autres dont elle n’avait nullement lieu d’être flattée. On ne saurait trop se défier des discours des gens d’esprit : ils paraissent quelquefois excellens à première audition, et on y trouve ensuite, y regardant mieux, toutes sortes de pointes que le débit de l’orateur avait habilement dissimulées. Tel avait été le cas de M. Briand. Il y avait dans son discours.