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L’Angleterre et la France ont très maladroitement copié et copient encore de plus en plus maladroitement l’Allemagne, en quintuplant ou en sextuplant, dans des œuvres incohérentes, les sacrifices que fait celle-ci pour des œuvres bien combinées. Il suffit de citer notre prodigieuse loi de 1905 sur l’assistance aux vieillards et aux infirmes, qui, avec d’énormes et souvent grotesques abus, coûte à la France 98 millions de francs, moitié plus que ce que l’Empire allemand, avec sa population de 60 pour 103 supérieure à la nôtre, dépense pour tout son faisceau d’assurances officielles variées. Il faut également mentionner le débat qui se poursuit au Sénat sur l’assurance obligatoire contre la vieillesse, laquelle coûtera à elle seule au Trésor plusieurs centaines de millions.

L’Angleterre, mais ce n’est pas là une consolation, agit, en cette matière, avec le même entraînement et la même étourderie que la France. Elle a voté sur les pensions ouvrières, sans aucune étude préalable, sans aucune base positive, en quelques séances, une loi qui lui coûte 220 millions par an et arrivera peut-être à 300 ; le ministère radical anglais annonce d’autres mesures, aussi peu étudiées et préparées, qui aggraveraient considérablement le fardeau.

Quand donc on vient dire que les dépenses nouvelles engagées par les gouvernemens et les parlemens sont imposées par la nécessité, on se trompe gravement ou l’on trompe le pays. Une grande partie de ces dépenses provient de la légèreté, du parti pris, des fantaisies, on peut dire aussi des marottes des politiciens qui jouent, sans y regarder, avec les deniers publics. Le rachat des chemins de l’Ouest, par exemple, ici en France, la proscription des congrégations et la fermeture de milliers d’écoles libres, qu’il a fallu remplacer par des écoles publiques coûteuses, entrent, sans parler d’un coulage permanent, pour au moins 80 millions dans l’accroissement des dépenses depuis dix années. La cause de ces dépenses parasites et du gaspillage quasi continu est l’abaissement du personnel gouvernemental et représentatif ; le pouvoir, en partie par leur faute, est échappé aux classes réfléchies, économes et prévoyantes pour échoir à celles qui n’ont ni expérience, ni contrôle sur elles-mêmes, ni souci de l’avenir. Ce n’est pas toujours par le talent que les membres des gouvernemens actuels sont inférieurs à ceux des gouvernemens antérieurs, mais beaucoup plus par la conscience ; ils dissertent