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avec autant de faconde sur les choses publiques ; mais ils n’ont cure que de l’heure présente et de celle qui la suit immédiatement ; les événemens ou plutôt les incidens immédiats bornent l’horizon de leur pensée ; la maxime : « Après moi le déluge, » est leur constant mot d’ordre ; ils la raccourcissent encore en la ramenant non pas à la durée de leur vie, mais à celle de combinaisons gouvernementales ou parlementaires éphémères ; ils comptent sur la conjoncture, sur l’imprévu, et aussi sur l’oubli rapide et l’indulgence populaire pour pallier les conséquences un peu distantes de leur faute. En un mot, l’homme politique a complètement disparu, et il n’y a plus que ce diminutif : le politicien.


III. — A QUI APPARTIENNENT LES SUCCESSIONS ? LA CONFISCATION DES SUCCESSIONS PAR L’ÉTAT

Le politicien qui détient aujourd’hui le gouvernement et le parlement, dépensant en fantaisies ou en entraînemens sans compter, est obligé, de temps à autre, de chercher des ressources. Sa préoccupation constante, pour écarter de lui l’animadversion populaire, est de frapper, soit exclusivement, soit de beaucoup principalement, un nombre de citoyens qui soit en petite minorité. De là la généralisation pratique de l’impôt progressif, qui, jusqu’à un temps très récent, n’était guère qu’une thèse d’école ; de là aussi les coups de massue successifs qui accablent les successions, du moins celles qui ont quelque importance. Le politicien obtient ainsi deux résultats : il se procure, en négligeant les répercussions possibles et les défaillances probables des taxes dans l’avenir, des rentrées immédiates ; il satisfait aussi un sentiment mauvais qui est très répandu, qui a été en quelque sorte l’âme des démocraties antiques et de celles du moyen âge et qui aussi a causé leur chute, à savoir : l’envie.

La révolution fiscale dont nous sommes témoins a son point de départ, pour l’Angleterre, dans la loi de sir William Harcourt, chancelier de l’Echiquier libéral en 1894, introduisant l’impôt progressif dans les successions ; elle a également en France son point de départ dans la loi qui introduisit chez nous l’impôt progressif dans les successions en 1901. Ce sont des ministres soi-disant modérés qui, sur l’une et l’autre rive de la Manche,