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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/559

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annuellement sa profession et qu’il dépense. Il y a même plus de mérite dans le premier cas que dans le second, puisqu’il y a eu deux opérations pénibles et méritoires : il a fallu d’abord gagner le revenu, puis le consolider en le transformant en capital : il est malheureux que la langue fiscale britannique jette ainsi le discrédit et la défaveur sur les revenus de capitaux.

Le nouveau budget de M. Lloyd George fait subir à l’impôt britannique sur le revenu une transformation complète. Il le rend progressif et, pour arriver à cette progressivité, il rend obligatoire, au gré de l’administration, la déclaration du revenu total. Il établit ce qu’il appelle la supertax et ce que M. Caillaux a nommé ici l’impôt complémentaire. Les personnes ayant de gros revenus, à savoir plus de 5 000 livres sterl. ou de 125 000 francs, seront atteintes par cette supertax. Le taux général de l’impôt sera de 1 shilling 2 pence, ou 5,90 pour 100 ; la supertax sera de 6 pence ou de 2 1/2 pour 100, à partir de 75 000 francs de revenu pour tous les contribuables qui ont un revenu de plus de 125 000 francs. Nous négligeons certaines modalités accessoires. Ce qui a une très haute gravité, dans cette taxation, c’est moins encore le taux qui, pour les assujettis à cette supertax, dépassera 8 pour 100 pour les revenus élevés (on doit rappeler ici que les valeurs mobilières ne sont frappées d’aucune taxe spéciale en Angleterre) que la création d’une catégorie très peu nombreuse de contribuables qui sera livrée sans défense à tous les appétits du fisc. On calcule qu’il n’y a qu’une dizaine de mille personnes en Angleterre qui aient un revenu de plus de 125 000 francs. Ce sont dix mille victimes qui sont désignées pour supporter tous les excès présens et futurs de la taxation. Comment des surtaxes de ce genre portant sur d’aussi faibles couches de contribuables pourraient-elles être légitimes ? Le grand principe moderne n’est-il pas que l’impôt doit être consenti par le contribuable ? EL comment pourrait-on soutenir que de faibles catégories de contribuables qui, à cause même de leur petit nombre, ne peuvent avoir de défenseurs au Parlement, consentent les taxes énormes sous lesquelles on les écrase ? L’impôt ne peut être considéré comme consenti que quand il est uniforme pour tous les citoyens ; il en résulte qu’un impôt progressif est au fond un impôt illégal, si l’on prend le terme de loi dans sa haute et philosophique acception.

L’impôt sur le revenu en France, tel qu’il a été proposé par