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M. Caillaux et voté, avec encore de nombreuses déformations et aggravations par la Chambre des députés, est empreint des mêmes vices. Il les reproduit même avec des raffinemens, une inquisition plus cynique. L’impôt dit complémentaire, dans un pays à fortunes et à revenus disséminés comme l’est le nôtre, ne pouvait être rejeté sur les seuls citoyens opulens ; la productivité en eût été insuffisante. On l’applique à tous les contribuables ayant plus de 5 000 francs de revenus ; ces contribuables, d’après les statistiques fiscales, sont au nombre de 481 000 seulement surplus de 20 millions d’adultes des deux sexes et 10 millions d’électeurs ; comme on admet, toutefois, des déductions assez amples pour les revenus de 5 001 à 25 000 francs, il en résulte que les principales rigueurs de l’impôt portent sur ceux qui ont un revenu supérieur à ce dernier chiffre : or, ils ne sont qu’au nombre de 50 000 environ ; voilà les victimes désignées aux appétits du fisc, aux caprices des Parlemens voulant multiplier les dépenses publiques. Où peut être le frein dans un pareil système ? Quelle sécurité peut avoir le contribuable appartenant à ces catégories ainsi choisies et mises en réserve pour être taxées à merci et miséricorde ? Ce sont des otages contre lesquels, à raison de leur petit nombre, on se croit tout permis. Tout témoigne que l’on est ici, comme pour les successions, dans la voie de la confiscation.

Un des traits les plus fâcheux des dernières années, c’est l’émulation qui s’est emparée des deux gouvernemens anglais et français en ce qui touche la fiscalité spoliatrice. M. Asquith, le chef du Cabinet britannique, déclarait, il y a un an ou dix-huit mois, que M. Caillaux était le ministre des Finances le plus génial du globe. Par un échange de courtoisie, M. Caillaux n’a cessé d’invoquer, à l’appui de ses projets, les exemples du Cabinet britannique. L’émulation entre ces deux gouvernemens pour l’application d’une fiscalité draconienne a été l’un des plus grands fléaux de ces dernières années et elle le reste encore, car elle survit au départ de M. Caillaux.


V. — MAINMISE PAR L’ÉTAT SUR LA PRÉTENDUE PLUS-VALUE NON GAGNÉE ET REVENDICATION PAR LUI DES BONNES CHANCES DANS LES ENTREPRISES PRIVÉES ALÉATOIRES

Une des innovations de la fiscalité nouvelle en Angleterre