Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réintégrer le Palais-Royal, de se faire nommer chef de légion de la garde nationale, de provoquer alors un mouvement populaire qui serait soutenu par les Anglais et qui le mettrait sur le trône.

On ajoutait, il est vrai, que le prince avait énergiquement repoussé ces ouvertures et déclaré qu’il ne se prêterait pas à ce qu’on attendait de lui. Mais on objectait que sa sœur, Mademoiselle d’Orléans, n’approuvait pas ses scrupules. On parlait d’une lettre d’elle, où, après avoir exprimé les regrets que lui causait la décision de son frère, elle déclarait que l’Autriche et la Prusse consentaient au projet et qu’on espérait y amener la Russie. Elle témoignait du désir d’être tenue au courant des progrès du mouvement orléaniste en France ; elle promettait en retour d’informer exactement ses amis de ce qui serait fait en Angleterre pour le favoriser et, craignant que ses lettres ne fussent interceptées, elle envoyait à son correspondant un chiffre compréhensible pour lui seul. Le mot mariage signifierait la grande affaire ; la Russie serait la pupille, l’Autriche et la Prusse les tuteurs. L’observateur qui donnait ces détails reproduisait dans son rapport la phrase suivante qu’il prétendait empruntée à une seconde missive de Mademoiselle d’Orléans : « Il est plus question que jamais de mariage. On est parvenu à gagner la pupille et les tuteurs sont toujours très décidés. »

Ces rumeurs n’avaient pas paru à Louis XVIII mériter grand crédit. Mais, comme il lui revenait de tous côtés que le Duc d’Orléans ne se faisait pas faute de blâmer la politique du gouvernement ; comme, d’autre part, le nom du prince était devenu un drapeau pour un parti d’opposition et comme, enfin, sa persistance à ne pas rentrer témoignait d’une désapprobation formelle, quoique plus ou moins dissimulée, les vieilles défiances du Roi envers son cousin s’accrurent et se précisèrent. C’est en ces circonstances qu’au mois de décembre, deux lettres du Duc d’Orléans, adressées à un de ses amis à Paris et surprises par la police, lui révélèrent l’état d’âme du prince.

Dans la première, en date du 15, Louis-Philippe écrivait :

« Il est bizarre que, pendant qu’on a fait courir tous ces bruits sur mon retour, Mme la Duchesse d’Angoulême ait eu la bonté d’écrire à ma femme pour le lui conseiller de la manière la plus aimable et la plus pressante. J’ai aussi reçu une lettre de l’oncle de Raoul ( ? ) qui ne m’avait pas écrit depuis Gand, et qui voudrait que je revienne. Tout cela joint à vos détails me