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En se reportant à l’époque où écrivait Barthez, je crois que, dans la pensée de l’illustre chancelier de l’Université de Montpellier, ces mots n’avaient pas d’autre sens que celui qui est donné aujourd’hui au mot énergie. Mais, comme on les a dénaturés par la suite, comme on a discuté la nature ontologique de ce principe, son identité ou sa confusion avec le principe de la pensée ; qu’on a prononcé les mots d’âme de seconde majesté qui ont servi de prétexte aux quolibets et qu’on ne peut pas discuter avec et sur des plaisanteries ; que tout cela est d’ailleurs questions de philosophie et querelles de philosophes, alors que je veux exclusivement rester sur le domaine de la biologie qui est le mien, — je préfère ne pas soulever la question de la nature ontologique du principe de la vie, et je préviens, une fois pour toutes, qu’on serait déçu si on s’attendait à trouver, dans cet article, des déclarations ou des applications de doctrines philosophiques.

Quoique j’aie mes idées personnelles (que je n’ai jamais cachées) en philosophie et en religion (ce qui me paraît être le droit et le devoir de chacun), cet article ne reflétera aucune doctrine de ce genre ; si elles leur paraissent justes, mes conclusions pourront être adoptées par tous les lecteurs, quelle que soit l’opinion philosophique de chacun d’eux.

Cela posé, on peut dire que tout le monde est actuellement d’accord pour admettre que les êtres vivans présentent, tant qu’ils vivent, et parce qu’ils vivent, des caractères spéciaux qui les rapprochent des autres êtres vivans et les distinguent de leurs cadavres et des matières brutes inorganisées.

Certes on sait (et, quoique Claude Bernard ait, mieux que tous, démontré la chose, on peut bien dire qu’on le savait avant lui), on sait que les êtres vivans n’échappent pas aux lois physicochimiques : ce sont les mêmes matériaux qui constituent l’être vivant et la matière brute, ce sont les mêmes forces qui régissent l’un et l’autre. Mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a quelque chose qui distingue l’organisme avant la mort du même organisme après la mort.

Ainsi les physiciens connaissent très bien, sous le nom de lois de l’osmose, les règles en vertu desquelles deux solutions de richesse moléculaire différente, séparées par une membrane perméable, se mettent en mouvement l’une vers l’autre jusqu’à