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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/704

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d’honneur, à la disposition des dieux. Enfin, il existe dans le Rheingold un motif, et de première importance, à la fois correspondant et contraire au motif du prélude, se partageant pour ainsi dire avec celui-ci l’organisme ou l’économie entière de l’ouvrage. Admirable d’ampleur et de sérénité, ce n’est plus seulement un accord parfait, mais une longue série d’accords parfaits qui le constitue. A peine est-il besoin de le nommer et vous avez déjà reconnu le thème du Walhalla. Dès la seconde scène, il succède et s’oppose par tous ses élémens, par le rythme, la tonalité, le mouvement, les timbres, aux thèmes divers du tableau précédent. Après l’impression de l’inconsistance et de la légèreté, d’un glissement et d’un ondoiement perpétuel, il nous donne la sensation de l’aplomb, de la masse, et, pour toujours aussi, de la stabilité. Là-bas, tout se dérobait ; tout se tient ici. Mais tout également se dresse, car autant cette musique s’appuie, autant elle s’élève, et, des fondations jusqu’au faîte, par degrés, par étages sonores, elle érige devant nous l’édifice entier.

Il remplit, ce thème du Walhalla, toute la dernière scène, l’épilogue, à peine inférieur à celui de la Walkyrie, où la partition de l’Or du Rhin trouve son couronnement et son apothéose. Et si, comme nous l’avons dit, la conclusion de l’œuvre, à certains égards, s’éloigne des prémisses, à d’autres elle s’y rapporte et s’y rattache. Différens, jusqu’à l’antithèse, par la forme ou la figure des sons, par le mouvement et la direction des lignes mélodiques, les deux épisodes musicaux tirent de l’ordre harmonique un élément et même une substance commune. Cela suffit pour qu’ils se répondent, pour que réciproquement ils se confirment, pour qu’ils enveloppent tout le sujet, tout le tableau, des profondeurs du fleuve au sommet de la montagne, d’une atmosphère et d’un sentiment unique, fait de calme, d’assurance et de sérénité.

Telle n’est pas toujours, on le sait, l’action du génie de Wagner. Et même on a pu dire, en langage métaphysique, que ce génie a pour objet ou pour domaine l’être moins que le devenir. Mais, dans la musique de l’Or du Rhin, nous aurons cette fois-ci reconnu le principe ou la vertu contraire, admiré ce qui demeure, au lieu de ce qui passe, et ce qu’il y a, non pas de mobile et de changeant, mais de permanent et de fixé.

L’interprétation de l’Or du Rhin, dans l’ensemble, est satisfaisante. Un peu confus et pâteux au commencement, l’orchestre a montré plus tard de la discrétion, de la finesse et de la légèreté. Ces dons ne sont pas tout à fait ceux de M. Van Dyck. Lorsqu’il joue le rôle de Loge, on peut le regretter. On ne s’imagine plus Wotan, à l’Opéra,