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jusqu’à ce point l’amour de l’uniformité ? On a peine à le croire, mais il faut voir. M. Briand a déjà fait beaucoup de concessions à la majorité ; il lui en fera peut-être d’autres. N’a-t-il pas eu l’air de croire que l’école laïque était sérieusement menacée par les évêques ? Mais il se trompe s’il espère arrêter le cours naturel des choses avec des lois, quelles que soient ces lois. Les évêques continueront certainement de protester contre les mauvais livres scolaires. Nous ne connaissons qu’un moyen de mettre fin à la campagne dont les journaux radicaux et radicaux-socialistes font tant de bruit : c’est que l’Université surveille mieux à l’avenir les livres employés dans les écoles primaires. Eh quoi ! dira-t-on, les évêques pourront-ils exercer leur censure sur nos livres scolaires, et faudra-t-il s’incliner devant l’interdit qu’ils auront prononcé contre eux ? Est-ce admissible ? Est-ce tolérable ? A cela nous répondrons que si le mal dénoncé par les évêques n’avait pas existé, leur dénonciation n’aurait produit aucun effet ; et si plus tard, tombant à leur tour dans l’excès, ils dénoncent et condamnent des livres innocens, ils perdront l’avantage qu’ils ont obtenu cette fois. Il y a, en tout cela, une question de mesure qui n’a qu’un seul juge, l’opinion. Les évêques relèvent de l’opinion, l’Université aussi, le gouvernement de même : personne aujourd’hui ne peut se mettre au-dessus d’elle, et il est dans sa nature de désapprouver finalement toutes les exagérations et toutes les calomnies. L’émoi aurait été beaucoup moindre dans le monde radical et radical-socialiste si on n’y avait pas senti que, par sa négligence, l’Université s’était mise dans son tort. Les évêques en ont profité. L’adversaire s’étant découvert, ils l’ont touché. Le remède, pour l’avenir, est dans l’Université elle-même, et nous sommes convaincu qu’elle le sent bien. Elle aurait tort de trop compter sur des lois protectrices que les radicaux feront pour prolonger l’agitation anticléricale jusqu’aux élections, dans leur intérêt beaucoup plus que dans le sien. Ses destinées sont entre ses mains : c’est à elle d’y veiller. Quant aux dispositions, que prennent les évêques, elles n’ont rien d’illégal, ni d’excessif, les évêques ayant toujours dit qu’ils n’attaquaient pas l’école laïque en elle-même, et qu’ils se contentaient de dénoncer quelques livres au nombre desquels il y en a incontestablement de mauvais.

Néanmoins, on a crié très haut que l’école laïque était en danger et que tous les républicains devaient voler à sa défense, il faudrait le faire sans nul doute, si le danger était réel ; il faudrait le faire, même si on n’était pas républicain, car l’école laïque et neutre est nécessaire ; mais nous n’apercevons pas le péril dont M. Briand s’est montré