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ensuite par des échelonnemens successifs. Dans un autre système, patrons et ouvriers devaient opérer chaque année l’intégralité de leur versement. On a dit au Sénat, — c’est M. Ribot qu’il l’a fait le premier à la tribune, — qu’il serait impossible d’expliquer aux ouvriers, naturellement ombrageux et soupçonneux, le motif d’une différence qui serait à leurs yeux une grande injustice, et cette observation a paru convaincante. Le motif était cependant des plus sérieux. La différence initiale correspondait à deux systèmes différens dans le traitement qu’on appliquerait aux versemens : ceux de l’ouvrier devaient être capitalisés à son nom pour constituer, en ce qui le concerne, le capital de sa pension ; ceux du patron devaient être distribués au fur et à mesure des besoins qui, à l’origine, étaient faibles et allaient ensuite en augmentant. Si on exige le versement immédiat du patron comme celui de l’ouvrier, on est conduit à les capitaliser tous les deux. La Commission avait reculé devant cette double capitalisation qui entassera dans les caisses de l’État, lorsque la loi sera en pleine activité, une somme de 12 milliards. On comprend que cette perspective l’ait inquiétée ; elle nous inquiète aussi ; elle a inquiété M. Ribot qui, en se ralliant au système du double versement intégral et de la double capitalisation, a fait des réserves sur l’administration de cette somme énorme et a demandé qu’elle fût remise en partie, sous certaines garanties, à des associations libres qui pourraient en faire des placemens plus libres aussi que ceux auxquels l’État se condamne. Les syndicats eux-mêmes pourraient exercer cette administration. On parle toujours de les rendre propriétaires, on ne le fait jamais ; il y aurait là une occasion dont il conviendrait de profiter. Cette partie du discours de M. Ribot est celle que nous avons préférée, parce qu’elle corrige un peu la première, dans laquelle l’orateur, en se déclarant partisan de l’obligation qu’il avait combattue jadis, semblait pencher vers l’étatisme dont il a finalement essayé d’atténuer l’excès. Le motif principal qui a porté M. Ribot à demander le versement immédiat pour le patron aussi bien que pour l’ouvrier et la double capitalisation de ces versemens, est que, d’après ses calculs, ce système permettrait d’augmenter assez sensiblement la pension de l’ouvrier, conséquence qui a séduit tout le monde. Toutefois. M. Ribot a laissé entendre que cette augmentation ne rendrait pas la loi plus coûteuse, ce qui, après vérification de ses calculs par le ministère du Travail, ne s’est pas trouvé tout à fait exact. Mais le ministère du Travail, avons-nous besoin de le dire ? n’a pas reculé devant un supplément de dépense, surtout lorsqu’il était proposé par M. Ribot. Un autre orateur,