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en effet, autour de ces deux points à l’antipode l’un de l’autre : prévoyance libre ou prévoyance obligatoire. Le gouvernement était pour l’obligation. La Commission a subi ses assauts et les a repoussés ; elle s’est dérobée à ses insinuations, plus redoutables encore que ses assauts ; on ne saurait contester quelle n’ait fait une belle et longue défense ; mais, tout d’un coup, sans qu’on puisse s’expliquer pourquoi, elle a cédé. Elle a admis l’obligation, premier succès pour le gouvernement, qui lui permettait d’en attendre plusieurs autres. Évidemment, les forces de la Commission s’étaient usées dans sa résistance ; elles étaient à bout. Nous n’avons pourtant pas besoin de dire que sa majorité, qui compte quelques-uns des hommes les plus distingués du Sénat, ne s’est pas convertie à l’obligation sans se rendre compte qu’elle faisait un grand et dangereux sacrifice, et sans entourer le nouveau projet de toutes les garanties possibles : mais les garanties possibles sont peu de chose, et nous craignons fort qu’elles ne se montrent dans l’avenir impuissantes. Sur certains points, l’accord s’est donc fait entre la Commission et le gouvernement ; sur d’autres, les dissidences ont persisté. Voici un exemple de ces dissidences. Sans entrer dans le détail infini du problème, contentons-nous de rappeler que les retraites auxquelles les ouvriers auront droit à soixante-cinq ans se composent de trois élémens : le versement opéré par l’ouvrier lui-même, le versement opéré par le patron, enfin la contribution de l’État. Dans le système du gouvernement, le patron et l’ouvrier versent également la somme de neuf francs ; dans celui de la Commission, l’ouvrier verse six francs et le patron neuf. La Commission a maintenu ses chiffres, et elle a bien fait. Pour certains ouvriers qui gagnent strictement de quoi vivre et faire vivre leur famille, six francs sont une somme élevée. D’autres, au contraire, peuvent, sans se mettre à la gêne, faire un versement plus considérable ; mais rien ne les empêchera de le faire ; à côté du versement obligatoire, il y a le versement facultatif, et le but que se propose la Commission est de rendre plus facile et plus fréquent ce dernier, le seul qui procède de la prévoyance libre. La Commission espère que la moyenne des versemens ouvriers sera de neuf francs, et peut-être même supérieure à ce chiffre.

Sur un autre point, le désaccord a disparu. La Commission proposait que chaque année, ou même chaque mois, l’ouvrier opérât la totalité de son versement, tandis que le patron commençait par ne verser qu’une fraction du sien, et même une fraction assez faible, puisqu’elle devait être au début du dixième : le complément venait