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II

La grande vague des résurrections nationales qui, au XIXe siècle, a mis en branle tout l’Orient balkanique, ne pouvait pas indéfiniment battre, sans y pénétrer, les hautes falaises de l’Albanie ; si isolée que l’aient faite le manque de routes et l’absence d’une langue écrite, elle ne pouvait pas rester sourde au fracas des batailles que les peuples chrétiens de la péninsule livraient pour leur délivrance. Dans ces luttes, nous trouvons presque toujours l’Albanais musulman aux côtés du Turc ; souvent même, nous y voyons l’Albanais chrétien : c’est que le Serbe, au Nord, et parfois le Grec, au Sud, sont les ennemis naturels de l’Albanais ; il les redoute plus que l’Ottoman qui ne se soucie pas de troubler sa demi-indépendance et qui n’a pas cherché à s’établir dans ses montagnes. Cependant, dans la guerre de l’indépendance hellénique, les héros Albanais se distinguent au premier rang : Marco Botzaris, ancien officier du régiment albanais de Napoléon, Condouriotis, Kolocotronis, et tant d’autres, sont des Albanais. Chaque fois que le Turc tente d’empiéter sur le particularisme albanais, de faire de la centralisation, le montagnard se dresse et frappe. A Souli, les Albanais chrétiens orthodoxes, hommes, femmes, enfans, se précipitent dans l’abîme plutôt que d’abjurer et de se soumettre au tyran Ali, pacha de Janina. Ce fameux Ali et, à la même époque, Mahmoud, pacha de Scutari, sont l’un et l’autre des Albanais ; ils cherchent à tirer parti des sentimens autonomistes de leurs compatriotes pour former à leur profit des principautés indépendantes. L’époque du Tanzimat, où les Turcs tentent d’organiser un gouvernement à l’européenne et d’établir une administration uniforme et centralisée amène des troubles très graves en Albanie. En juin 1830, Mehemed Reschid Pacha attire les chefs Tosques à une conférence à Monastir et les fait traîtreusement massacrer. Ce sauvage attentat est le signal d’une série d’insurrections qui, jusqu’à la fin de la guerre de Crimée, agitent toute l’Albanie. Enfin la grande crise de 1878 à 1880 montre l’Albanie, tout entière unie pour tenir tête à l’Europe, finissant par imposer, à force d’obstination, sa volonté aux grandes puissances. Rappelons brièvement l’histoire de ces événemens : ils constituent, pour l’avenir, un précédent.