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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/812

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Albanais, qui furent jadis les plus héroïques défenseurs de l’indépendance hellénique, achevèrent de devenir les ennemis déclarés des Grecs dont ils redoutent, depuis le Congrès de Berlin, la propagande et les revendications en Epire. Un comité albanais fut fondé à Bucarest et subventionné par le gouvernement roumain ; on vit apparaître des écoles albanaises, des journaux albanais. Une élite albanaise s’est ainsi peu à peu formée, et elle a développé dans la masse du peuple le sentiment national, et, comme les linéamens d’un futur Etat albanais paraissaient se dessiner, on vit surgir des prétendans au trône d’Albanie. Un prince Albert Ghica, de la grande famille roumaine des Ghica, dont un ancêtre fut appelé en Roumanie par le grand vizir Mehemed Köprilu, Albanais comme lui, fait en Albanie de la propagande autonomiste ; il signe des proclamations à la nation albanaise au nom de « l’assemblée nationale albanaise et du comité national pour la renaissance albanaise. » D’autres se recommandent de la grande et populaire figure de Scanderbeg : tel, M. Aladro Castriota, ministre plénipotentiaire honoraire d’Espagne, riche négociant en vins de Xérès, qui cherche à faire valoir des droits à l’héritage du héros, répand, avec ses libéralités, des proclamations, des drapeaux et cherche à grouper un parti autour de son nom. M. Giovanni Castriota Scanderbeg, marquis d’Auletta, Napolitain de distinction, est, dit le journal Il Momento de Turin, qui publiait naguère une interview de lui, « le seul direct et véritable descendant du héros national albanais ; » il se montre plus discret et s’abstient d’intrigues et de manifestes.

Mais si la nation ou la confédération albanaise doit un jour naître à la vie politique, on peut prédire qu’elle n’ira pas chercher son chef au dehors ; elle choisira un héros national, un nouveau Scanderbeg ou le descendant respecté d’une des familles féodales du pays. Peut-être une tribu plus puissante et qui aura conservé plus intactes les mœurs du passé et le fanatisme de l’indépendance deviendra-t-elle, sous la direction de son chef héréditaire, un noyau de coagulation autour duquel viendront se constituer les autres cellules de la confédération albanaise. Une tribu albanaise paraît plus particulièrement préparée à ce rôle : c’est celle des Mirdites.